Forum Opéra

VERDI, La Traviata – Erl

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
31 juillet 2025
Un troisième volet enthousiasmant

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

La Traviata, opéra en trois actes (1853), musique de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave d’après le roman La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils (1848) et la pièce qui en fut tirée (1852)
Création à Venise (Teatro alla Fenice) le 6 mars 1853

Détails

Violetta Valery
Rosa Feola
Flora Bervoix
Deniz Uzun
Annina, servante de Violetta
Xenia Puskarz Thomas
Alfredo Germont
Kang Wang
Giorgio Germont, son père
Luca Salsi
Gastone, Vicomte de Létorières
Josip Švagelj
Baron Douphol
Andrew Hamilton
Marquis d’Obigny
Lukas Enoch Lemcke
Docteur Grenvil
Alexander Köpeczi

Chœur et orchestre du Tiroler Festspiele Erl
Direction musicale
Asher Fisch

Erl, Festspielhaus, 27 juillet 2025, 19h

Après Rigoletto et Le Trouvère, nous assistons ce soir au troisième volet de la « trilogie populaire » de Verdi. Même principe du concert mis en espace, sur une étroite bande au premier plan de l’orchestre disposé devant le rideau, au-dessus de la fosse. Les choristes, au nombre d’une quarantaine, occupent l’arrière. Cette disposition, très traditionnelle, permet de bien profiter des voix et de voir les chanteurs de très près.

La Traviata ne se satisferait pas de rôles secondaires médiocres, mais exige avant tout trois premiers rôles de très haut niveau, aux voix et aux tempéraments parfaitement assortis, ce qui est totalement réussi ce soir. Et tout d’abord avec Rosa Feola (Violetta), jeune cantatrice particulièrement intéressante. Spécialisée d’abord dans les rôles légers (Norina, Adina), avec de grandes facilités à descendre dans le grave, elle a conquis la notoriété international avec ses Gilda, rôle avec lequel elle a débuté au Metropolitan Opera de New York, et qu’elle a chanté un peu partout, comme à l’Opéra Bastille en décembre 2024. Audrey Bouctot notait à son sujet : « elle régale l’auditoire de son timbre cristallin ». Car pour le moment, elle peut encore chanter Gilda sans problème, tout en abordant des rôles plus corsés, dont celui de Violetta.

Rosa Feola (Violetta) © Photos Tiroler Festspiele Erl / Scheffold Media

Ce n’est que relativement récemment, en 2020, qu’elle a abordé ce rôle, au théâtre Gabriello Chiabrera de Savone, ville de Renata Scotto où celle-ci avait débuté sa carrière en 1952 dans le même rôle : comment rêver à plus prestigieux parrainage, même s’il est le fruit du hasard ? Depuis, elle l’a régulièrement chanté, y compris récemment au Deutsche Oper de Berlin, avant de le chanter la saison prochaine à La Fenice et au Metropolitan Opera de New York. À la lumière de la représentation de ce soir, on peut noter les atouts qui font qu’elle est d’ores et déjà l’une des grandes Traviata du moment. Tout d’abord sa capacité à jongler sans problème entre les suraigus et les graves, tout en gardant une voix très naturelle. Ensuite les nuances dont elle émaille abondamment son interprétation. Enfin, et ce n’est pas le moindre, son intelligence du texte et son aptitude à rendre l’infinie variété de l’héroïne, dont elle traduit bien la personnalité contrastée. Ainsi, pendant le prélude, passe-t-elle en revue ses souvenirs, avec autant de changements de physionomie que de situations vécues. Puissance, notes filées en diminuendo ou crescendo, elle met toutes ses capacités musicales au service de la construction d’un personnage dont on voit au fil de la représentation la moindre des inflexions, des moments décontractés à ceux de rigidité sociale, ou encore de désespoir et de résignation.

À ses côtés, Kang Wang, chanteur sino-australien (Alfredo) est également un habitué de La Traviata, opéra qu’il chante – avec beaucoup d’autres rôles principaux – à travers le monde. Ainsi l’a-t-il interprété la saison dernière au San Carlo de Naples, et le jouera-t-il la saison prochaine au Metropolitan Opera de New York. Aussi à l’aise dans Verdi que dans Mozart ou Les Contes d’Hoffmann, un autre de ses grands succès, il n’est pas toutefois sans attirer des interrogations. Ainsi, dans son compte rendu tout récent (16 mai 2025) de Roméo et Juliette au Semperoper de Dresde, Christophe Rizoud nous dit avoir renoncé, essentiellement pour des raisons de style et de langue, à parler de l’ensemble de la distribution où Kang Wang chantait Roméo, à l’exception du Stéphano de Valérie Eickoff.

Certainement, Verdi et l’italien lui conviennent-ils mieux, et j’ai découvert pour ma part une voix claire sans être stridente, puissante sans être nasale, et surtout animée de nuances subtiles parfaitement en situation. On ne sait, de l’Australie ou de la Chine, quelle est la part profonde de sa personnalité, mais toujours est-il que, contrairement à beaucoup de ses collègues d’Extrême-Orient, il a parfaitement assimilé le style du bel canto verdien, et y réussit brillamment.

Rigoletto ici même il y a deux jours, Luca Salsi est ce soir Giorgio Germont. C’est un rôle qu’il connaît parfaitement pour l’avoir depuis longtemps promené à travers le monde, et qu’il nourrit de multiples nouveaux partenaires. Il l’a chanté plusieurs fois à l’opéra Bastille, et le jouait encore à Vérone le 11 juillet 2025 (voir le compte rendu de Catherine Jordy). C’est dire qu’il en connaît toutes les ficelles, ce qui lui permet de ne pas le chanter comme Rigoletto. Outre la puissance vocale que nous lui connaissons, on note un legato parfait, qui manque à beaucoup d’autres titulaires du rôle. Et puis la personnification du rôle est tout aussi intéressante ; père abusif certes, mais également attentif et paternel, aussi bien avec son fils qu’avec Violetta, dont on peut se demande un moment s’il n’aimerait pas faire la conquête. Enfin, à son habitude, il bisse à la demande générale son air « Di Provenza il mare, il suol » de la fin du deuxième acte, entraînant un délire d’applaudissements.

La plupart des comparses chantaient également les deux autres soirs, créant un effet « troupe » particulièrement valorisant, où l’on remarquait particulièrement l’Annina de Xenia Puskarz Thomas, le Gastone de Josip Švagelj, le baron Douphol d’Andrew Hamilton, le marquis d’Obigny de Lukas Enoch Lemcke. Des chœurs parfaits, une direction musicale à la fois précise, dynamique et attentive aux chanteurs, c’est une magnifique représentation qui termine ce cycle de trois soirs consacré à la « trilogie populaire » de Verdi.

Entre la représentation en décors et costumes et le concert traditionnel, cette interprétation « mise en espace » semble ravir un public nombreux (les trois soirs ont été donnés à guichet fermé) et passionné (ovations debout, demandes de bis…). Cela ne constitue certes pas une solution pour sauver l’art lyrique, mais peut lui donner une chance supplémentaire de survie. Surtout lorsque la qualité est du niveau de ce qui vient de nous être présenté. Cela ravive, pour les plus anciens, le souvenir de « Prestige de la musique », cette émission de l’ORTF enregistrée le plus souvent salle Pleyel, et qui proposait régulièrement des programmes d’opéras intégraux. En tout état de cause, avoir réussi à réunir sur trois jours une brochette aussi exceptionnelle de chanteurs, et à présenter trois concerts d’une qualité aussi exceptionnelle laisse augurer très positivement de l’avenir du festival d’Erl.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

5

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

La Traviata, opéra en trois actes (1853), musique de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave d’après le roman La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils (1848) et la pièce qui en fut tirée (1852)
Création à Venise (Teatro alla Fenice) le 6 mars 1853

Détails

Violetta Valery
Rosa Feola
Flora Bervoix
Deniz Uzun
Annina, servante de Violetta
Xenia Puskarz Thomas
Alfredo Germont
Kang Wang
Giorgio Germont, son père
Luca Salsi
Gastone, Vicomte de Létorières
Josip Švagelj
Baron Douphol
Andrew Hamilton
Marquis d’Obigny
Lukas Enoch Lemcke
Docteur Grenvil
Alexander Köpeczi

Chœur et orchestre du Tiroler Festspiele Erl
Direction musicale
Asher Fisch

Erl, Festspielhaus, 27 juillet 2025, 19h

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Sublime DiDonato !
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Un goût d’y revenir !
Vasilisa BERZHANSKAYA, György VASHEGYI, Zoltan MEGYESI
Spectacle