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VIVALDI, Griselda – Copenhague

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Spectacle
11 mai 2025
Le triomphe paradoxal de la Femme

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Dramma per musica en trois actes sur un livret d’Apostolo Zeno adapté par Carlo Goldoni, crée au Teatro San Samuele de Venise le 18 mai 1735.

Détails

Mise en scène
Béatrice Lachaussée

Scénographie
Amber Vanderhoeck

Costumes
Anja Van Kragh

Lumières
Glen D’haenens

Gualtiero
Terrence Chin-Loy

Griselda
Noa Beinart

Costanza
Mari Eriksmoen

Roberto
Christopher Lowrey

Ottone
Marlene Metzger

Corrado
Ray Chenez

Concerto Copenhagen
Direction et clavecin
Lars Ulrik Mortensen,

Copenhague, Gamle Scene, Théâtre Royal du Danemark, 10 mai 2025, 15h

Lars Ulrik Mortensen et son Concerto Copenhagen collaborent depuis plus de vingt ans avec l’Opéra Royal de Copenhague. Comme l’évoquait le chef lors de l’interview accordée l’an passé à l’occasion du sublime Saül mis en scène par Barrie Kosky, les début furent brillants avec Giulio Cesare en 2002 où Andréas Scholl tenait le rôle principal.

Cette année, c’est une rareté qui se trouve portée à la scène avec cette Griselda due à Vivaldi.
De Scarlatti à Massenet, la nouvelle du Décaméron de Boccace a connu de nombreuses occurrences, preuve que le sujet – celui des vertus cardinales de la femme – touche une corde particulière aux XVIIIe et XIXe siècle. L’ascension de Griselda, bergère devenue reine, sa droiture dans les épreuves face à un mari sadique, près à toutes les humiliations pour tester l’obéissance de son épouse laissent aujourd’hui le spectateur assez interloqué. Certes, dans Zauberflöte, les prêtres faisaient montre de la même cruauté en laissant Pamina croire que Tamino l’avait délaissé lors de l’épreuve du silence, mais cet épisode ne constituait pas l’intégralité du propos !

Les scènes mondiales ne manquent pas de propositions tordant les livrets au point de donner à voir de parfaits contresens. L’équipe artistique féminine réunie au Danemark, elle, a choisi d’assumer la dimension rétrograde du sujet en y ajoutant toutefois, en exergue dans le prologue, l’article du code pénal danois qui proscrit les abus au sein du couple.
Une troublante complaisance – fréquente à l’opéra, mais rarement si nette – nous fait observer pendant près de trois heures les mortifications successives auxquelles est soumise Griselda, avant que son époux, en quelques mesures, ne la rétablisse dans sa position et lui cède même le pouvoir, brutalement horrifié par ses propres méfaits mais sans que rien ne nous ai préparé à cette improbable volteface. Si le livret s’avère donc déséquilibré voire maladroit, la musique de Vivaldi, en revanche, est somptueuse et justifie que l’on l’exhume en intégralité. Outre « Agitata da due venti », bien connu, immortalisé par Cécilia Bartoli, la partition est une succession d’airs plus ébouriffants les uns que les autres, superbement mis en voix par l’excellent plateau scénique réuni pour l’occasion avec le soutien sans faille du non moins excellent Concerto Copenhagen.

L’équilibre des pupitres, la rondeur du son, le jeu des textures, la variété des ornements… La générosité de ce travail orchestral, toujours parfaitement lisible, réjouit l’oreille et constitue un formidable paysage où les voix peuvent s’épanouir en sécurité sous la baguette fougueuse de Lars Ulrik Mortensen.

Il suit idéalement les riches inflexions de la ligne de Mari Eriksmoen, Costanza pyrotechnique dont le jeu plein de fraîcheur contraste avec une technique en acier trempée. Les aigus sont souverains, la voix de poitrine d’un damas chatoyant, l’unité des registre proverbiale.

Son incarnation contraste idéalement avec celle de sa mère, Griselda. La encore, virtuosité étourdissante des coloratures, art consommé des pauses et des silences…. De sa voix charnue, Noa Beinart fait son miel de l’art de Vivaldi qui écrivit le rôle pour sa protégée, Anna Giró. Toujours noble et digne, la soprano donne une chair sensible à cette Fidelio avant l’heure – le titre complet de l’oeuvre n’est-il pas Fidelio ou l’amour conjugal ? – qui choisit ici l’obéissance plutôt que la révolte.

                                                                                                                      ©Nikolaj de Fine Licht

De son ténor clair et bien posé, Terrence Chin-Loy a la tâche difficile de rendre crédible le tyran Gualtiero, bouffi d’orgueil et de son bon droit, maltraitant son entourage sans vergogne avec l’assurance de ceux qui instrumentalisent autrui sans se poser de question.

Marlene Metzger n’est pas dans une position plus enviable car son Ottone semble filer le même coton despotique que son aîné, près à tout pour obtenir les faveurs de Griselda, jusqu’à menacer de tuer le fils de cette dernière. La jeune soprano, qui achève sa seconde année au sein du Young Artist Program de l’Opéra Royal du Danemark a déjà tout d’une grande. Elle déploie une aisance vocale et scénique sidérante, d’une maîtrise technique impeccable mettant en valeur un timbre corsé plein d’expressivité.

Deux contre-ténors complètent la distribution pour des rôles originellement attribués à des castrats et composent deux belles silhouettes de frères unis dans un même dessein : Roberto est campé par Christopher Lowrey, amoureux sensible de Costanza, aux inflexions délicates.
Ray Chenez, pour sa part, était un formidable Néron la saison passée à Rennes. Ici encore, avec Corrado, la rondeur du placement, la fluidité de la ligne vocale font merveille,

La metteuse en scène Béatrice Lachaussée a soigné sa direction d’acteur pour rendre crédible ces personnalités parfois improbables. Elle utilise en particulier les interventions muettes d’autres personnages pour justifier narrativement les changements d’atmosphères des cadences ou des da capo. Elle installe son récit dans une époque indéterminée à l’esthétique épurée, mêlant quelques éléments contemporains – ipad et micro sur pied, pour indiquer que histoires d’abus sont toujours d’actualité – et une esthétique générale relevant d’un classicisme intemporel. Le rendu est somptueux dans les lumières exceptionnelles de Glen D’haenens, tant pour les décors de Amber Vanderhoeck que pour les costumes d’Anja Van Kragh où couleurs et matières sont travaillées en orfèvre.

Toutes deux jouent des références à la Grèce – puisque l’histoire se déroule dans la région des Météores – avec des arcades, des couronnes et plastrons chargés de pierreries…
Il y a des échos d’un Peduzzi, d’un De Chirico, dans ces portiques qui coulissent dans cesse, réinventant l’espace comme le paysage mental des personnages.

La dernière représentation de ce spectacle aura lieu mardi 13 mai.

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Dramma per musica en trois actes sur un livret d’Apostolo Zeno adapté par Carlo Goldoni, crée au Teatro San Samuele de Venise le 18 mai 1735.

Détails

Mise en scène
Béatrice Lachaussée

Scénographie
Amber Vanderhoeck

Costumes
Anja Van Kragh

Lumières
Glen D’haenens

Gualtiero
Terrence Chin-Loy

Griselda
Noa Beinart

Costanza
Mari Eriksmoen

Roberto
Christopher Lowrey

Ottone
Marlene Metzger

Corrado
Ray Chenez

Concerto Copenhagen
Direction et clavecin
Lars Ulrik Mortensen,

Copenhague, Gamle Scene, Théâtre Royal du Danemark, 10 mai 2025, 15h

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