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YESTON, Titanic – Metz

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Spectacle
25 décembre 2023
Jusqu’à 23 noeuds…

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Comédie musicale en deux actes
Livret de Peter Stone

Adaptation française de Stéphane Laporte et Jean-Louis Grinda
Création à Broadway le 23 avril 1997

Détails

Mise en scène
Paul-Émile Fourny

Chorégraphies
Graham Erhardt-Kotowich
Décors
Emmanuelle Favre
Costumes
Dominique Louis
Lumières
Patrick Méeüs

Conception vidéo
JulienSoulier

Chef de chant
Sergey Volyuzhskiy

 

Le Capitaine E.J. Smith
Philippe Ermelier

Le Commandant en second
Grégory Juppin

Le soutier
Fabrice Todaro

L’ingénieur en chef
Hervé Mathieu

Bruce Ismay, propriétaire de la Compagnie
Gilles Vajou

Thomas Andrews, l’architecte
Jean-Michel Richer

Charles Clarke
Scott Emerson

Kate Mac Gowan
Lisa Lanteri

Isidor Straus
Tadeusz Szczeblewski

Henry Etches, Steward de 1ère classe
Olivier Lagarde

 

Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz

Cheffe de ballet
Laurence Bolsinger-May

Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz

Cheffe de chœur
Nathalie Marmeuse

Orchestre national de Metz Grand Est

Direction musicale
Aurélien Azan Zielinski

 

Metz, Opéra-Théâtre, 21 décembre 2023, 20h

 

N’était-ce pas un pari audacieux que de se saisir d’une catastrophe pour écrire une comédie musicale ? La naufrage du Titanic, en 1912, a suscité bien des créations, y compris lyriques (1). L’œuvre de Maury Yeston (2), sur le livret de Peter Stone, basée sur l’histoire de la traversée inaugurale, évoque avant tout le formidable espoir que représentait ce navire pour ses passagers, comme pour ses concepteurs et financeurs.

Le livret témoigne d’une rare intelligence narrative et dramatique, sérieusement documentée, d’une connaissance fine des usages codifiés de la navigation, du personnel de bord – des machines à la vigie – comme des passagers. Le pouvoir, la responsabilité sont au cœur de ce drame, doux-amer, qui nous renvoie aux fonctionnements de nos propres sociétés, sans oublier la fragilité et la vanité du luxe par rapport aux forces de la nature. Les cloisonnements, au propre comme au figuré, les aspirations de chaque classe, du rêve américain des humbles migrants irlandais, aspirant à une vie stable, paisible et épanouissante, aux passagers de seconde, lorgnant vers la condition des privilégiés de première, dont la première préoccupation est de préserver l’entre-soi, toutes les catégories sociales sont représentées. Le microcosme que constituait le monde des passagers, les plus riches, comme les plus humbles, métaphore d’une société prise au piège d’une vision linéaire du progrès, d’une technicité, d’une course folle à la vitesse, va nourrir une chronique proprement balzacienne, où les destins se croisent. Toutes les déclinaisons de l’amour y prennent place (3), de la rencontre à la séparation, comme à la fidélité (Isodor Straus et son épouse, qui décident de partager leur sort funeste).

Quelques figures essentielles émergent : l’architecte concepteur, le capitaine, l’armateur, le second, l’opérateur radio, le soutier. La riche galerie des rôles secondaires est telle qu’il nous faut renoncer à les décrire, et c’est dommage, car malgré la brièveté de leurs interventions, il n’est pas un personnage qui n’apporte sa contribution à l’ouvrage, ou démérite. En plus des solistes, et de l’Orchestre national de Metz, l’Opéra-Théâtre a mobilisé l’ensemble de ses forces, le chœur et le corps de ballet. Ce sont ainsi plus de quatre-vingt personnes qui vont donner vie aux personnages de la comédie musicale. La direction d’acteurs en est remarquable.

La mise en scène de Paul-Emile Fourny, réaliste et poétique, avec l’aide de décors bien conçus et fidèles (Emmanuelle Favre), de vidéos remarquables (Julien Soulier), d’éclairages pertinents (Patrick Méeüs), et de magnifiques costumes (Dominique Louis), parvient à nous entraîner dans cette aventure jusqu’à l’engloutissement ultime, saisissant. Les plans se succèdent à un rythme cinématographique : de la timonerie, lieu d’exercice du pouvoir, avec ses antagonismes, au salon des Première classe, jusqu’aux soutes où l’ancien mineur charge la chaudière, nous parcourons tous les espaces : de la piscine, au poste du radio-télégraphiste ou à la vigie. De bout en bout la réalisation est maîtrisée, et le public, chaleureux, multipliera les rappels.

Certains tableaux sont particulièrement réussis, l’embarquement, le bal des passagers de première classe, les danses auxquelles les Irlandais se livrent, entraînés par le fiddle, puis par tout l’orchestre, le ballet de la piscine (en maillots d’époque !), évidemment l’immersion inexorable de la proue et des malheureux dont les tentatives sont désespérées…

La musique, particulièrement soignée, s’inscrit dans le droit fil de ce que la comédie musicale américaine a réalisé de mieux. Douce, joyeuse, insouciante et futile, désuète comme grave, puis tendue, dramatique, elle confie à l’orchestre un rôle essentiel. Si le cinéma n’est pas loin, le raffinement, le sens de l’orchestration doivent être soulignés. Evidemment, les soli, ensembles et chœurs, où les chansons occupent une place de choix, alternent avec des passages parlés, où, parfois, l’orchestre se tait. Le retour des mélodies, faciles mais subtiles et bien tournées, aux fréquents accents jazzy, nous les imprime en mémoire. Le Farewell, de la pleine mer, au premier acte, est l’occasion d’un magnifique tableau où le chœur polyphonique, puissant, impressionne. Le trio des fiancées (au I) nous ravit. Toutes les voix des solistes sont amplifiées, c’est la règle du genre, et il est vraisemblable que certains – comédiens plus que chanteurs – ne pourraient en faire l’économie. Mais il faut avouer qu’à l’écoute on oublie les parcours, connus ou supposés. L’intelligibilité est permanente, et le surtitrage ne doit concerner que nos voisins européens.

La distribution fait largement appel à des chanteurs-acteurs familiers de la comédie musicale (4). Personnage mûr, expérimenté – c’est sa dernière traversée – à l’autorité naturelle, le Capitaine E.J. Smith, est incarné par Philippe Ermelier. Le chant, bien timbré, grave, comme le jeu sont exemplaires. « Seul, il dispose, seul il commande… », repris alors que bâtiment sombre est d’une rare puissance dramatique. Le mineur reconverti en soutier est confié à Fabrice Todaro. Tendre, émouvant dans son air avant le choc avec l’iceberg, servi par une orchestration remarquable, le baryton bien connu pour servir au mieux les opérettes et comédies musicales n’appelle que des éloges. Son duo avec le télégraphiste mérite également d’être signalé. Gilles Vajou est J. Bruce Ismay, propriétaire de la Compagnie maritime. Comédien autant que baryton, il nous vaut un personnage plus vrai que nature, qu’il campe avec autorité, rondeur et suffisance, grisé par le progrès technique. Si son duo avec Alice (Valérie Zaccomer) est ravissant, celui avec le télégraphiste, après le choc, nous fait frémir. Thomas Andrews, l’architecte, est confié à Jean-Michel Richer, remarquable ténor québecois. Il ouvre la comédie-musicale, plongé dans ses plans, et durant la catastrophe, obsédé par sa responsabilité, insouciant du navire qui sombre, il les corrige fébrilement. Tadeusz Szczeblewski nous émeut dans l’ultime duo d’Isidor Straus et de son épouse. Mentionnons aussi Olivier Lagarde, dont la belle voix de baryton et un jeu dramatique irréprochable donnent vie à Henry Etches, Steward de 1ère classe, stylé et d’un optimisme constant. Autre baryton, Scott Emerson qui prête son chant, ample et libre, à Charles Clarke, passager de seconde. La galerie est si riche qu’il faudrait signaler chacune et chacun.

Le Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz très sollicité dans la plupart des scènes, fait preuve d’une aisance scénique rare. Fréquemment divisé en fonction des tableaux, qu’il chante à l’unisson ou en polyphonie, de l’ample choral réformé aux scènes les plus légères ou dramatiques, c’est un bonheur constant. Les danseurs excellent autant dans les figures des danses de salon que dans les danses irlandaises traditionnelles et endiablées.

Déjà remarqué dans Frankenstein Junior, Aurélien Azan Zielinski dirige de nouveau l’Orchestre national de Metz Grand Est, avec souplesse, précision et efficacité, lui permettant des progressions spectaculaires. Nous goûtons ainsi une partition dont l’écriture témoigne d’un métier très sûr et d’un raffinement exceptionnels pour le genre. Ductile, d’une constante attention aux voix, aux équilibres, aux contrechants instrumentaux, il trouve la légèreté, l’élégance raffinée, sensuelle comme la rusticité des danses irlandaises, la tension grandissante, la puissance inexorable de la disparition lente et dramatique du bateau.

Un spectacle riche, intelligent, émouvant, exemplaire de tenue, qui régale l’oreille autant que l’œil. Les Lorrains seront gâtés puisque six représentations sont données en cette fin d’année, de quoi ravir le plus nombreux public.

(1) Luciano Berio, en 1970, dans Opera, associe le mythe d'Orphée, le naufrage du Titanic et un hôpital d'incurables, trois images de la mort. En 1979, Wilhelm Dieter Siebert créait Der Untergang der Titanic, au Deutsche Oper Berlin. Repris en 1985 à Rennes (Maison de la Culture).  
(2) L’Opéra Royal de Wallonie l’avait donnée en 2000, dans une tout autre mise en scène. Il n’y a aucune relation, sinon le titre, avec le film, sorti la même année, en 1997, ni avec la production du Théâtre de la Renaissance (2022), reprise en juillet 23 en Avignon (Festival Off). 
(3) Alors que le roman, puis le film focalisaient l’attention sur le couple Rose et Jack. 
(4) Ainsi du mémorable Frankenstein junior, produit ici-même en 2021, retrouvons-nous avec bonheur Grégory Juppin (maintenant, le commandant en second) et Lisa Lanteri (Kate Mac Gowan, également violoniste irlandaise).

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Comédie musicale en deux actes
Livret de Peter Stone

Adaptation française de Stéphane Laporte et Jean-Louis Grinda
Création à Broadway le 23 avril 1997

Détails

Mise en scène
Paul-Émile Fourny

Chorégraphies
Graham Erhardt-Kotowich
Décors
Emmanuelle Favre
Costumes
Dominique Louis
Lumières
Patrick Méeüs

Conception vidéo
JulienSoulier

Chef de chant
Sergey Volyuzhskiy

 

Le Capitaine E.J. Smith
Philippe Ermelier

Le Commandant en second
Grégory Juppin

Le soutier
Fabrice Todaro

L’ingénieur en chef
Hervé Mathieu

Bruce Ismay, propriétaire de la Compagnie
Gilles Vajou

Thomas Andrews, l’architecte
Jean-Michel Richer

Charles Clarke
Scott Emerson

Kate Mac Gowan
Lisa Lanteri

Isidor Straus
Tadeusz Szczeblewski

Henry Etches, Steward de 1ère classe
Olivier Lagarde

 

Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz

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Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz

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Direction musicale
Aurélien Azan Zielinski

 

Metz, Opéra-Théâtre, 21 décembre 2023, 20h

 

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