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Montserrat Caballé (1933 – 2018), la voix d’or pur

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Actualité
18 septembre 2023
Montserrat Caballé aura sans doute été la plus grande Diva de l’après-Callas tant par la splendeur de son timbre que par la multitude de ses prises rôles et la longévité de sa carrière.

Infos sur l’œuvre

Détails

Durant près de cinq décennies elle se sera produite dans presque tous les pays d’Europe, aux Etats-Unis, au Canada, en Amérique du Sud, en Russie, en Chine, au Japon et même en Afrique du sud, s’illustrant, la plupart du temps avec bonheur, dans les répertoires les plus variés, du baroque au contemporain, tout en inondant le marché de dizaines d’intégrales d’opéras et de récitals. Sa vie professionnelle aura été jalonné de nombreux triomphes retentissants mais aussi de quelques échecs, voire de scandales, une véritable vie de star en somme à l’opposé de sa vie personnelle rangée auprès d’un époux qui aura su préserver la stabilité de sa famille.

Une enfance pauvre

 Montserrat Caballé voit le jour le 12 avril 1933 à Barcelone au sein d’une famille modeste. Pourtant lorsque la petite fille montre des dispositions pour le chant, sa mère l’inscrit dès l’âge de huit ans dans un conservatoire gratuit qu’elle doit quitter quelques années plus tard pour travailler dans une fabrique de mouchoirs afin d’aider les siens. C’est alors que le destin met sur sa route les Bertrand, une famille de mécènes qui va venir en aide à ses parents et surtout financer ses études. Pendant six ans, elle suit grâce à eux les cours du conservatoire du Liceu. Là, elle travaille avec Napoleone Annovazzi, le directeur musical du théâtre ainsi qu’avec la soprano Conchita Badia, mais c’est surtout Eugenia Kemeny, une ancienne cantatrice hongroise qui va forger sa technique exceptionnelle basée sur la longueur du souffle et lui inculquer l’art des pianissimi qui allaient faire sa gloire.

Des débuts difficiles

Nantie d’un premier prix de chant, la jeune soprano décide d’aller tenter sa chance en Italie où elle multiplie les auditions en vain. Pourtant sa voix possédait déjà toutes les qualités qui feront un jour l’admiration du monde entier mais personne ne semblait l’entendre. Est-ce parce qu’à cette époque les directeurs artistiques cherchaient désespérément une nouvelle Callas ? Un agent lui suggère même de rentrer en Espagne et d’y fonder une famille ! Seul Silvio Varviso, alors directeur musical de l’Opéra de Bâle, lui propose un contrat d’une saison comme doublure. En désespoir de cause Montserrat accepte et pour compléter ses maigres rétributions, travaille comme serveuse dans un bar. En 1957, la chance lui sourit enfin, elle remplace au pied levé une collègue souffrante dans La Bohème et obtient un vif succès.

Une première partie de carrière confidentielle

 Elle se voit alors proposer durant les deux années qui suivent une série de rôles essentiellement germaniques, notamment Chrysothémis, Arabella, Elsa, Eva ainsi que Donna Elvira, quelques rôles italiens, Tosca, Aïda, et même français comme Antonia dans Les Contes d’Hoffmann. En 1959, elle signe un contrat de trois ans avec l’Opéra de Brême. Parallèlement, le Staatsoper de Vienne l’invite pour une série de Salomé qui lui vaudra une médaille. Elle chante ensuite à la Scala (une Fille-fleur restée sans lendemain), à Genève (L’Atlantida de de Falla), et à Lisbonne, (Iphigénie en Tauride). En 1962, elle revient enfin à Barcelone pour la création in loco d’Arabella. La France la découvre en 1963 grâce à André Cabourg qui l’invite à chanter Don Carlos à Rouen puis Donna Elvira aux côtés de Gabriel Bacquier en Don Giovanni. En 1964, Bernard Lefort l’engage à l’Opéra de Marseille pour Marguerite (Faust) et La Comtesse des Noces de Figaro. Entretemps, elle aura épousé le ténor Bernabé Marti, rencontré au cours d’une série de Madame Butterfly au Liceu l’année précédente. Le couple aura deux enfants et restera uni jusqu’au décès de la cantatrice.

Reine du bel canto par hasard

En ce début de 1965, Montserrat Caballé, qui avait un temps envisagé d’abandonner une carrière qui ne décollait pas, devait bientôt recevoir une proposition qui allait la propulser au rang de star mondiale. Bernard Lefort lui suggère de remplacer Marilyn Horne souffrante dans la rarissime Lucrezia Borgia de Donizetti, le temps d’un concert au Carnegie Hall, sous la houlette d’Allen Sven Oxenburg, directeur de l’American Opera Society, un organisme qui proposait régulièrement des partitions rares ou oubliées dans la prestigieuse salle new-yorkaise. Elle, dont le cœur de répertoire s’articulait autour de Mozart, Wagner et Strauss, elle, qui s’apprêtait à faire ses débuts à Glyndebourne dans La Maréchale, elle, qui surtout n’avait jamais chanté d’opéras belcantistes, était on ne peut plus dubitative. Cependant son frère Carlos, devenu son agent depuis quelques années, le chef Carlo Felice Cillario et Bernard Lefort achevèrent de la convaincre. Ce 11 avril 1965, lorsqu’elle aborde l’air d’entrée de Lucrezia, le public médusé n’en croit pas ses oreilles. Le timbre somptueux de la jeune soprano, sa ligne de chant racée, la longueur de son souffle et surtout ses impalpables pianissimi enchantent les spectateurs que la lecture de son nom, inconnu pour eux, sur le programme avaient laissés sceptiques. A la fin de l’air, c’est une ovation interminable qui ne se démentira pas tout le long de la soirée. Le lendemain le New-York Time titrait « Callas + Tebaldi = Caballé ». C’est enfin la consécration tant espérée. Les retombées de ce concert mythique seront considérables. Rudolf Bing l’engage au Met dès l’année suivante, le label RCA lui fait signer un contrat pour une série d’enregistrements et bientôt les propositions d’engagements commencent à pleuvoir

Reine du belcanto à l’ouvrage

Sacrée « reine du belcanto » par la presse qui la baptise « La Superba », Montserrat Caballé va explorer méthodiquement durant près de vingt ans le répertoire belcantiste à travers ses trois principaux représentants, Bellini, Donizetti, Rossini et multiplier les prises de rôles à un rythme frénétique sans abandonner tout à fait son ancien répertoire. Durant les années 70, son calendrier déborde d’engagements. Profitant de l’expansion du disque vinyle, elle multiplie également les enregistrements, allant jusqu’à graver quatre intégrales lyriques par an, sans parler d’innombrables récitals en tout genre, sous les labels les plus prestigieux, RCA, mais aussi EMI, Philips, Decca ou Erato. Respectant la promesse qu’elle avait faite aux Bertrand, elle restera fidèle au Liceu, faisant même de ce théâtre un laboratoire où elle testera ses nouveaux rôles avant de les proposer sur les scènes du monde entier. Un an après Lucrèce Borgia, elle revient au Carnegie Hall avec Le Pirate de Bellini, qu’elle reprend l’année suivante au Mai Musical Florentin avant d’en graver une intégrale en studio. Puis ce sera le tour de La Straniera pour une soirée unique au Carnegie Hall toujours, en 1969. L’année suivante, elle se décide à affronter Norma, à Barcelone d’abord puis à Turin, Philadelphie et Paris où quelques soucis de santé l’obligeront à annuler une partie des représentations. Ces annulations deviendront récurrentes au fil des ans, sa santé fragile ayant du mal à supporter le rythme soutenu qu’elle s’impose. L’Opéra de Nice, La Scala, le Met et le San Carlo applaudiront sa Norma avant la soirée mémorable du 20 juillet 1974 à Orange, l’un des sommets de sa carrière. Ce soir-là, face au Pollione engagé de Jon Vickers elle affronte crânement le Mistral et livre une interprétation dramatiquement et vocalement pleinement aboutie. Il faut dire qu’en ce milieu de la décennie la voix est à son zénith, les aigus ronds et pleins sont émis avec facilité, la dynamique et la longueur du souffle sont stupéfiantes et ses pianissimi lumineux et flottants mettent les auditeurs en transes. Marseille, Vienne, Londres et même Moscou applaudiront également sa Norma.

Après New-York, elle offre sa Lucrezia Borgia à Marseille, Milan et Barcelone avant de redonner vie à toute une série de partitions oubliées du Maître de Bergame parmi lesquelles l’on compte de véritables chefs-d’œuvre qui se maintiendront au répertoire comme Maria Stuarda ou Roberto Devereux tandis que d’autres retomberont dans l’oubli, tels Caterina Cornaro, Gemma di Vergy, Parisina d’Este, Sancia di Castiglia. C’est seulement en 1982 qu’elle abordera Anna Bolena à Barcelone puis à la Scala dans la production imaginée par Visconti pour Callas, devant un public hostile à cause des divers reports de la première pour raison de santé. La soprano offre de beaux moments durant le premier acte mais un aigu craqué déchaîne la colère de la salle et la représentation s’achève dans une ambiance on ne peut plus houleuse. En 2007, elle revient à Donizetti à Vienne à travers un rôle parlé, La duchesse de Crakentorp dans La Fille du régiment. Entourée d’une nouvelle génération de chanteurs elle dévoile une vis comica qu’elle avait peu exploitée jusque-là.

Elle aborde Rossini avec La donna del lago lors d’un concert à Turin en 1970, puis, en 1972, elle grave la première intégrale de Guillaume Tell en français pour EMI. Trois ans plus tard, elle interprète Elisabetta, Regina d’Inghilterra au théâtre antique d’Arles et l’enregistre pour Philips. Une autre première mondiale. Durant l’été 1980, le Festival d’Aix-en-Provence frappe un grand coup en montant Sémiramis avec autour d’elle, Marilyn Horne, Samuel Ramey et Francisco Araiza. En dépit d’importantes coupures, le spectacle, retransmis par la télévision, connaît un véritable triomphe qui se prolongera au cours de la saison suivante à Paris au Théâtre des Champs-Elysées. Cependant l’auditeur attentif aura repéré quelques signes avant-coureurs d’une usure vocale prématurée, ici un aigu durci, là une vocalise savonnée, ailleurs un pianissimo à la limite de la cassure tandis que l’articulation a tendance à se relâcher dans le haut de la tessiture. Autant d’altérations déjà audibles, mais de façon beaucoup moins perceptible, trois ans plus tôt lors des Roberto Devereux aixois. Il faut dire que les multiples prises de rôles que la Diva, sûre de sa technique et de ses moyens, a accumulées durant la décennie qui s’achève, commencent à peser sur sa voix. En 1987, le festival de Pesaro l’invite enfin, mais un peu tard, pour chanter Ermione aux côtés de Marilyn Horne, Chris Merritt et Rockwell Blake. Cette fois la soprano catalane ne parvient plus à masquer totalement les signes évidents de son déclin vocal et une partie du public le lui fait savoir mais elle réussit tout de même à sauver les meubles grâce à sa technique et son timbre qui n’a rien perdu de son opulence dans le medium. L’année suivante, Caballé mettra un dernier ouvrage rossinien à son répertoire, Le Voyage à Reims à Vienne sous la direction de Claudio Abbado, où, au sein d’une distribution prestigieuse, elle parvient encore à tirer son épingle du jeu dans le rôle de Madame Cortese moins exposé que celui d’Ermione.

Verdi et Puccini

A côté des trois géants du bel canto, Montserrat Caballé a jeté son dévolu sur un nombre important de compositeurs extrêmement variés, au premier rang desquels Verdi et Puccini. Ses trois plus grands rôles verdiens sont sans conteste Violetta, la Leonora du Trouvère et Elisabeth de Valois. Dès 1967 elle grave La Traviata pour RCA. Elle l’incarne notamment à Dallas, Madrid, New-York, Barcelone, Chicago et Londres, dans une mise en scène de Visconti avant de l’abandonner. Elle est à l’affiche du Trouvère à Philadelphie, Naples, Orange où elle triomphe à l’été 72, et Londres deux ans plus tard. Divers projets d’enregistrements de l’œuvre lui ont été proposés qui n’ont jamais abouti. Elle aborde Elisabeth de Valois dès 1963 à Rouen dans la version originale en français et le garde à son répertoire jusqu’à la soirée d’Orange en 1984. En 1969, elle l’incarne à Vérone au cours d’une série mémorable de Don Carlo dans une mise en scène de Jean Vilar. L’année suivante elle l’enregistre pour EMI. Entretemps elle le propose à Lausanne, au Met, à Hambourg, Barcelone, Vienne et Nice. C’est également au Met qu’elle aborde Otello, Luisa Miller, Un Ballo in maschera et, pour ouvrir la saison de 1974, I Vespri siciliani. Malheureusement, souffrante, elle devra laisser la place à Martina Arroyo dans l’intégrale enregistrée par RCA. Le temps d’un concert à la Rai en 1968, Gavazzeni la dirige dans Ernani. De son côté, La Scala lui propose Aïda et Luisa Miller ainsi que La Forza del destino en 1978 qu’elle donnera également à Orange. En 1979, elle interprète Mina dans le très rare Aroldo au cours d’un nouveau concert au Carnegie Hall. Un enregistrement sera publié par CBS. Durant cette décennie, elle participe également à la série d’enregistrements d’opéras du jeune Verdi proposée par Philips avec Il Corsaro et I Masnadieri après avoir gravé pour EMI en 1973 une électrisante Giovanna d’Arco sous la direction de James Levine. En 1985 elle incarne son unique Amelia dans Simon Boccanegra à Orange.

Mimi est le premier rôle important que Montserrat Caballé chante sur une scène, à Bâle en 1957. Elle le reprend notamment au Liceu en 1971 avec Pavarotti puis au Met en 74. La même année, elle en grave une intégrale remarquable qui constitue son unique collaboration avec Georg Solti, hélas occultée par celle de Karajan publiée au même moment. En 1972, elle enregistre Manon Lescaut, qu’elle aura finalement peu chantée sur scène tout comme Liù, qu’elle incarne à Buenos Aires en 65 face à la Turandot de Nilsson et reprend au Met en 1969. Ce rôle deviendra l’une de ses plus belles interprétations au disque sous la direction de Zubin Mehta en 1973. Tosca est un personnage qu’elle a souvent fréquenté. Elle le grave aux côtés du somptueux Mario de José Carreras dont elle promeut la carrière et le chante au Liceu, à Vienne, Hambourg, Tokyo et Avignon. Elle le reprend à Londres puis à Nice en 79 où elle est filmée par la télévision française. L’ultime opéra Puccini sera à l’origine d’un nouveau scandale à Milan pour notre Diva. Invitée à la Scala pour chanter le rôle-titre de Turandot à l’occasion du cinquantenaire de la création, Montserrat Caballé, souffrant de coliques néphrétiques, annule sa participation à quelques heures du lever du rideau. Lorsque le chef vient annoncer son retrait au public celui-ci explose de colère et voue la pauvre Montserrat aux gémonies en des termes peu élégants. C’est à San Francisco l’année suivante qu’elle donnera vie sur une scène à la Princesse de glace aux côtés de Luciano Pavarotti avant de la reprendre à Paris à la demande de Bernard Lefort. Il convient de souligner ici le rôle prépondérant que celui-ci a joué dans la carrière de Montserrat Caballé. En 1964, conscient de l’énorme potentiel de la cantatrice, Lefort l’engage par deux fois à l’Opéra de Marseille qu’il dirigeait alors. L’année suivante, lorsqu’il apprend qu’Oxenbourg cherchait une remplaçante pour Marylin Horne, c’est à elle qu’il pense aussitôt. En 1972, devenu directeur intérimaire de l’Opéra de Paris en attendant l’arrivée de Rolf Liebermann, il lui propose de reprendre pour elle Norma mais, souffrante, elle annule les dernières soirées. Enfin en 1982 après avoir succédé à Liebermann à la tête de la maison, il invite la soprano catalane pour une série de Turandot sous la direction de Seiji Ozawa. Cette fois la cantatrice en grande forme honore la totalité de son contrat et obtient un triomphe à chaque représentation. Entre ces deux dates, Lefort dirige le Festival d’Aix-en-Provence où il convie la soprano à plusieurs reprises dans des rôles propres à la mettre en valeur : les deux Elisabetta, la rossinienne et la donizettienne, ainsi que Sémiramis. Parallèlement, toujours entre ces deux mêmes dates, Montserrat Caballé n’aura jamais mis les pieds à l’Opéra de Paris. L’inimitié que Liebermann nourrissait envers la Diva aura ainsi privé les Parisiens de son art au cours de ses meilleures années. Ceux-ci auront dû se contenter de quelques récitals au Théâtre des Champs-Elysées ou à l’Athénée et des opéras en version de concert qu’elle chante salle Pleyel dans le cadre de l’émission Prestige de la musique diffusée en direct à la radio, parmi lesquels figurent Maria Stuarda, Gemma di Vergy et Adriana Lecouvreur.

Un répertoire toujours plus vaste

 Montserrat Caballé ne s’est pas limitée à servir les cinq plus grands compositeurs italiens du dix-neuvième siècle, sa soif de découverte l’a poussée à élargir toujours plus loin son champ d’investigation, tout d’abord en direction des maîtres de l’école vériste et de leurs contemporains. En 1972 elle enregistre Pagliacci, un ouvrage qu’elle n’avait plus chanté depuis ses débuts à Bâle. Si elle ne se risque pas à incarner Santuzza au théâtre elle grave le rôle en 79 sous la direction de Riccardo Muti. Sur scène elle aborde Adriana Lecouvreur au Liceu dès 1972, et le reprend à Pleyel avec Domingo, à Nice, New-York, Naples et Tokyo avec Carreras mais ne l’enregistrera pas. En revanche elle enregistre deux intégrales de Mefistofele, l’une dans le rôle de Marguerite, l’autre dans celui d’Elena. Au disque elle donne également la réplique à Pavarotti dans deux opéras qui ne figurent pas au répertoire de sa partenaire attitrée, Joan Sutherland, Andrea Chénier et La Gioconda, qu’elle incarne également sur scène, et fait une incursion dans le vingtième siècle avec La Fiamma de Respighi en 1989 au Liceu. Elle explore également les maîtres du début du dix-neuvième avec Agnese di Hohenstaufen et La Vestale de Spontini respectivement à Rome en 1970 et au Liceu en 1982 ainsi que la Medea de Cherubini à Barcelone en 1976 et Demophon du même compositeur à Rome en 1985. Parallèlement au répertoire italien, elle revient au répertoire germanique de ses débuts avec l’un de ses compositeurs préférés, Richard Strauss et son opéra de prédilection Salomé qu’elle impose à RCA malgré les réticences auxquelles elle se heurte. Elle l’interprète à Rome, Milan et Barcelone de 77 à 89. De Strauss elle chantera également Ariane à Naxos au Met en 76 puis à Paris, à l’Opéra-Comique, dix ans plus tard. Au Liceu, elle se lance dans Wagner avec Sieglinde en 1977 et Isolde en 1989. Au début des années 80, alors que l’on commence à redécouvrir les opéras baroques, notre Diva jette son dévolu sur le rôle de Cléopâtre dans le Giulio Cesare de Haendel au Liceu en 1982 puis à Madrid et à Rome ainsi qu’à la salle Pleyel en concert.

Elle s’intéresse également au répertoire français. On se souvient que son premier engagement au Met fut Marguerite dans Faust. Elle l’enregistre un peu tardivement au milieu des années 70 et à la même époque elle ressuscite L’Africaine de Meyerbeer au Liceu. En 1983 elle chante Les Danaïdes de Salieri à Rome. Dès la fin des années 60 elle aborde Massenet avec Manon à La Nouvelle Orléans avant de la reprendre à Madrid et Barcelone où elle chante également Hérodiade en 83. Il convient de jeter un voile pudique sur ses dernières prises de rôle au Liceu, Catherine d’Aragon dans le très rare Henry VIII de Saint-Saëns en 2002 et Cléopâtre de Massenet dans une version de concert en 2004. Auparavant, à l’instar de Placido Domingo ou de Luciano Pavarotti, elle se sera illustrée dans le cross-over avec la chanson « Barcelona » qu’elle enregistre en duo avec Freddy Mercury et qui deviendra l’hymne des Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Le clip de la chanson la rendra célèbre auprès d’un vaste public à travers le monde. Dans la foulée elle enregistre Friends for life, un album de duos avec diverses stars de la musique pop parmi lesquelles Johnny Hallyday. Durant les années 90, elle effectuera plusieurs tournées de récitals au profit d’organisations caritatives, notamment en faveur de la lutte contre le SIDA ou pour la reconstruction du Liceu suite à l’incendie de 1994. Gaveau l’applaudira lors de concerts en compagnie de sa fille dont elle tentera de promouvoir la carrière. En 2012 le Liceu fête son jubilée à travers une série de manifestations parmi lesquelles une exposition et un concert commémoratif avec autour d’elle quelques collègues et amis. En juin 2015, âgée de 81 ans et diminuée physiquement elle viendra une dernière fois à Paris donner une masterclass à la Philharmonie.

Le 6 octobre 2018 Montserrat Caballé rend son dernier souffle à l’hôpital de Sant Pau de Barcelone à l’âge de 85 ans.

Une discographie pléthorique

Au cours sa carrière Montserrat Caballé aura gravé près de 35 opéras différents et un grand nombre de récitals en studio auxquels il faut ajouter une cinquantaine d’enregistrements « live » qui recèlent de véritables pépites. Nous nous contenterons de proposer ici une sélection d’intégrales qui la montrent au faîte de son art, en particulier celles où elle est entourée d’un chef et de partenaires à sa hauteur ainsi que quelques récitals remarquables.

Sur la première marche du podium figure Norma, sans doute son meilleur rôle, qu’elle a promené durant plus de quinze ans sur les plus grandes scènes. Dans l’intégrale RCA la cantatrice, entourée d’une solide distribution (Domingo, Cossotto, Raimondi), offre un portrait accompli de la druidesse. Mais il faut absolument connaître le DVD capté à Orange en 1974 où, à l’apogée de ses moyens, Montserrat Caballé touche au sublime en offrant sa plus belle Norma, voire sa plus grande incarnation scénique, tant sur le plan vocal que dramatique.

Autre sommet de sa discographie, l’intégrale de Don Carlo dans la version en cinq actes, dite de Modène, chez EMI avec des partenaires de haut vol (Domingo, Verrett, Milnes et Raimondi) tous dans la plénitude vocale de leur jeunesse, sous la baguette inspirée de Carlo Maria Giulini.

En troisième lieu, citons sa Liù miraculeuse dans l’une des versions de référence de Turandot dirigée par Zubin Mehta avec Sutherland, Pavarotti et Ghiaurov (Decca).

La Lucrezia Borgia de Donizetti, qui fut sa première intégrale au disque, ne manque pas d’intérêt malgré une technique encore perfectible. On oubliera en revanche sa Lucia di Lammermoor. trop tendue. Il est surprenant qu’on ne lui ait pas fait graver en studio d’autres opéras de Donizetti, elle qui en a tellement chanté.

De Rossini, elle laisse une splendide version d’Elisabetta regina d’Inghilterra enregistrée en 1976. Sa Mathilde dans l’unique intégrale en français de Guillaume Tell ne manque pas d’attraits en dépit d’un entourage peu rompu au répertoire rossinien.

On écoutera avec intérêt sa magnifique interprétation d’Imogène, un rôle qu’elle jugeait plus difficile que Norma dans l’intégrale du Pirate de Bellini qu’elle a gravée aux côtés de son époux et du jeune Cappuccilli.

Citons également les trois récitals consacrés aux raretés de Donizetti, Rossini et Verdi, enregistrés à l’orée de sa carrière, qui comportent nombre de pages inédites pour les auditeurs de l’époque. On y entend entre autres merveilles le rondo de La donna del lago qui figurera longtemps au programme de ses concerts, une somptueuse prière de Pamira (L’assedio di Corinto) el la grande scène de Mina dans Aroldo couronnée d’un magnifique contre-ré fortissimo au cours du récitatif.

Parmi ses intégrales verdiennes, outre Don Carlo, son Aïda sous la baguette de Muti avec une distribution spectaculaire tient le haut du pavé. Sa Traviata, l’une des premières versions sans coupure au disque, est une véritable leçon de chant, même si d’aucuns ont pu reprocher à sa Violetta d’afficher une trop belle santé. L’entourage est de haut vol (Bergonzi, Milnes) mais la direction ne convainc pas tout à fait. Mentionnons également sa surprenante Giovanna d’Arco avec un Levine survolté, gravée en 1972 et ses Masnadieri avec Gardelli.
L’intégrale de La Bohème que Montserrat Caballé enregistre en 1974 avec Placido Domingo sous la direction de Georg Solti mérite d’être connue. Son enregistrement de Tosca est loin d’être indigne malgré la direction bien peu théâtrale de Colin Davis. Enfin, son récital Puccini avec Charles Mackerras est d’une rare beauté.

Aux premiers rangs de ses enregistrements d’opéras de la fin du dix-neuvième siècle, on  situera sa Nedda lumineuse face à Domingo (RCA 1970) et son émouvante Gioconda de 1980 avec le magnifique Enzo de Pavarotti.

Dans le répertoire germanique citons Salomé qu’elle considérait comme l’une de ses partitions préférées et dont elle laisse un enregistrement en tout point recommandable.

Sa Fiordiligi resplendissante avec Davis constitue son unique legs mozartien officiel. Si elle forme avec Janet Baker et Ileana Cotrubas un trio féminin de belle tenue, le trio masculin n’évolue pas sur les mêmes hauteurs.

Hormis Guillaume Tell, Montserrat Caballé n’a pas laissé de témoignages remarquables dans le répertoire français, on peut cependant jeter une oreille sur son récital d’airs d’opéras français chez DGG qui comporte notamment un somptueux air de Louise.

Parmi les nombreux disques pirates qui circulent, on cherchera surtout les ouvrages de Donizetti qu’elle n’a jamais gravés mais qu’elle a longuement fréquentés et qui témoignent de sa parfaite adéquation vocale avec la musique du maître de Bergame, en particulier Roberto Devereux et Maria Stuarda dont il existe plusieurs témoignages. La Stuarda de la Scala face à Verrett ou celle de Pleyel face au jeune Carreras sont hautement recommandables tout comme le Devereux de Canegie Hall ou celui de La Fenice. On jettera une oreille sur son unique incarnation de Parisina au cours de laquelle elle réalise des prouesses spectaculaires. Les plus curieux se laisseront tenter par Caterina Cornaro, La straniera de Bellini ou La donna del lago de Rossini mais on écoutera surtout l’une de ses Adriana Lecouvreur, un rôle qui sied si bien à sa voix. Mentionnons enfin un Don Giovanni capté à Lisbonne en 1960 où, face à Eberhard Wächter, elle incarne une impeccable Elvire.

Du côté des DVD, l’exceptionnelle Norma d’Orange en 1974 est absolument indispensable. Trois autres vidéos méritent largement le détour, Adriana Lecouvreur (Tokyo 1976), La forza del destino (La Scala 78) et Don Carlo (Orange 82).
Enfin sur le site YouTube on trouvera un grand nombre d’extraits de récitals et d’opéras complets enregistrés tout au long de sa carrière.

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