Jean Michel Pennetier nous le rappelait l’autre jour* : il existe plusieurs adaptations musicales du Fantôme de l’opéra – vingt si l’on en croit Wikipedia. Benoît Solès en propose une vingt-et-unième, inédite, en français, mise en musique par Marc Demais, sur des paroles de Pierre-Yves Lebert, au Théâtre Antoine à Paris (jusqu’au 11 janvier 2026, du mercredi au dimanche à 19h).
Condenser le chef d’œuvre de Gaston Leroux en une heure vingt sans entracte, chansons incluses, tient de la gageure. Malgré quelques personnages sacrifiés en route, le récit demeure fidèle aux grandes lignes du roman. Aucun des incontournables n’est omis : le lac, le lustre, la loge n°5. Lumières et sonorisation tiennent lieu d’effets spéciaux. L’univers de l’opéra, en tant que théâtre dans le théâtre, reste habilement restitué grâce à des décors modulables qui évoquent tour à tour coulisses, scène et espaces publics.
Au même titre que le mystère, le sourire rôde à travers la figure – et la voix – de la Carlotta (Ana Ka) à la personnalité calquée sur la fameuse Maria Ulrika Von Glott imaginée par Marianne James. Mais si la mise en scène de Julien Alluguette fait preuve d’inventivité, la musique et les chansons peinent à suivre. Couplets et refrains semblent figés dans les années Starmania – créé en 1979, il y a presque 50 ans, ce qui est révélateur de l’absence d’évolution du genre. Les chanteurs, biberonnés aux scies de Céline Dion, s’égosillent, au détriment d’une articulation souvent défaillante qui rend un mot sur trois inintelligible.
Mené bon train par M. Firmin (Fabian Richard, qui a joué dans Hair, Titanic, Mamma Mia… – cela se voit et s’entend), le numéro d’ouverture laissait entrevoir une place plus importante accordée à la danse, façon Broadway — illusion vite dissipée, tant ce premier élan s’avère sans écho.
Reste le public, conquis, applaudissant un spectacle dont la force mythique continue d’opérer : preuve que le Fantôme, l’opéra et son mystère n’ont rien perdu de leur pouvoir de fascination, cent cinquante ans après l’inauguration du Palais Garnier et plus d’un siècle après la parution du roman.
* voir brève du 19 octobre dernier
