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GLASS, Akhnaten – Paris (Philharmonie)

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Spectacle
28 octobre 2025
Hymne au soleil Aton

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes
Musique de Philip Glass
Livret de Philip Glass, Shalom Goldman, Robert Israël et Richard Riddell.
Créé à Stuttgart (Württembergisches Staatstheater) le 24 mars 1984 sous le titre allemand Echnaton
Présenté ce soir en version de concert

Détails

Akhnaten
Fabrice Di Falco
Nefertiti
Julie Robard-Gendre
La reine mère Tiyi
Patrizia Ciofi
Horemheb
Frédéric Cornille
Le grand prêtre d’Amon
Frédéric Diquero
Aÿ
Vincent Le Texier
Les six filles d’Akhnaten
Mathilde Le Petit
Rachel Duckett
Mathilde Lemaire
Vasiliki Koltouki
Laeticia Goepfert
Aviva Manenti
Le scribe (rôle parlé)
Lucinda Childs

Chœur de l’Opéra de Nice, Orchestre Philharmonique de Nice
Direction musicale
Léo Warynski

 

Paris, Philharmonie, samedi 25 octobre 2025, 20h

Akhénaton, ce n’est pas seulement le pseudonyme d’un célèbre rappeur marseillais (Philippe Fragione), c’est surtout le second nom du pharaon Amenhotep [Aménophis] IV (XVIIIe dynastie, vers 1371/1365 à vers 1338/1335 avant Jésus-Christ), qui n’a pas atteint au caractère icônique de Néfertiti, Toutankhamon ou Cléopâtre. Pourtant, il a mérité une place particulière parmi les pharaons de l’Égypte antique, en imposant vers la 5e année de son règne (vers 1350/1347) une rupture multiforme, que les égyptologues ont intitulée « hérésie amarnienne ». Celle-ci a touché la religion (volonté de remplacer le polythéisme populaire par le culte officiel d’un dieu unique, Rê-Horakhty, le disque solaire Aton), l’art par une esthétique plus naturaliste, et la politique avec une nouvelle capitale, Akhetaton (actuelle Tell el-Amarna). L’expérience, pour n’avoir pas rencontré l’adhésion populaire, resta sans suite.

Le plus intéressant est la mise à l’écart du clergé d’Amon thébain par le pharaon, devenu l’intermédiaire direct avec le nouveau dieu. Il se trouve ainsi seul détenteur des pouvoirs temporel et spirituel, mais crée en même temps un noyau de résistance religieuse de ce clergé qui va conspirer à sa perte. Alors que l’Aïda de Verdi se débattait également dans un contexte de lutte d’influence entre le clergé et le pharaon, sur un sujet imaginé par l’égyptologue Auguste Mariette, chez Philip Glass ce sont des textes antiques qui constituent en eux-mêmes la trame de l’œuvre, qu’aucune intrigue amoureuse ne sous-tend. Et si Verdi avait tenté, plutôt infructueusement, de recréer une musique antique, Philip Glass propose essentiellement une atmosphère basée sur une musique « minimaliste » ou « répétitive », d’une infinie subtilité, dans la forme de longues mélopées qui sont certainement plus évocatrices de ce que l’on peut imaginer de la musique égyptienne antique.

© Photos Philharmonie de Paris / Ondine Bertrand / Cheeese

On se trouve en présence d’une œuvre faite d’une succession de tableaux plus que d’une action véritable, qui s’apparente donc plus à un oratorio qu’à un véritable opéra, dont les sources historiques sont essentiellement issues du livre controversé Œdipe et Akhenaton, mythe et histoire (1967) du psychiatre Immanuel Velikovsky, que Glass souhaitait voir participer au livret, ce que sa mort empêcha. Néanmoins prévue pour être jouée sur scène, avec décors et costumes, elle trouve dans l’exécution en concert une force et un intérêt qui paraissent curieusement décuplés par rapport aux représentations scéniques, sans doute du fait que l’attention des spectateurs se concentre sur les parties musicales et vocales.

L’œuvre, créée en France à Strasbourg en 2002, est souvent représentée à travers le monde (en ce moment même au Liceu de Barcelone). Le chef Léo Warynski dirigeait déjà en 2020 la production de l’Opéra de Nice (captation vidéo sans public à cause du covid), puis à nouveau la reprise de 2021 toujours à Nice, dont on retrouve ce soir pratiquement la même distribution. Sa direction a gagné en unité, dans une sorte de sérénité menant à l’envoûtement quasi hypnotique des spectateurs, qui n’empêche pas une dynamique forte dans les moments importants. L’orchestre de Nice, maintenant bien rodé à ce type de musique, fait merveille (tout particulièrement les percussions et les cuivres), de même que les chœurs, d’une grande précision et aux sonorités bien étudiées.

Le plateau des solistes est dominé par la haute stature toute de noir vêtue du contre-ténor sopraniste martiniquais Fabrice Di Falco, dont l’interprétation est saisissante dès sa première intervention. Ce chanteur à l’activité et au répertoire protéiformes conserve une voix d’une puissance et d’une souplesse infinies, rendant particulièrement impressionnante son incarnation du pharaon hérétique, dont la quête idéaliste a certainement des résonnances contemporaines. Son « Hymne au soleil », en particulier, est d’une totale perfection et son duo avec son épouse Néfertiti d’une grande douceur. Cette dernière est interprétée par Julie Robard-Gendre, longue robe rouge vif là où l’on aurait plutôt attendu un bleu pâle qui aurait évoqué sa fameuse coiffure du buste de Berlin. Cette mezzo, qui chante aussi bien Mozart qu’Offenbach, est tout à fait à son aise dans ce rôle, avec une voix riche en harmoniques se mariant parfaitement bien avec celle de son partenaire. Enfin, on a plaisir à retrouver Patrizia Ciofi dans le rôle de la reine mère Tiyi, qu’elle personnifie à merveille couverte de bijoux scintillants, dans une robe du dernier chic. Mais chose plus importante encore, elle apporte grâce à ses aigus parfaitement émis et projetés, une légèreté équilibrant l’ensemble des principaux rôles.

Les autres personnages historiques sont bien défendus par d’excellents chanteurs,  notamment Frédéric Cornille (Horemheb), Frédéric Diquero (le grand prêtre d’Amon) et Vincent Le Texier (Aÿ). Seul bémol à ce concert d’une très grande qualité, le rôle parlé du scribe qui commente l’action en anglais a été confié à la danseuse, chorégraphe et metteuse en scène de cette production à Nice, Lucinda Childs, qui transforme un texte important en une espèce de logorrhée insipide et surtout difficilement audible, là où un(e) acteur(trice) et diseur(seuse) professionnel(le) aurait pu donner une meilleure articulation, et pourquoi pas en français ? Mais peut-être a-t-elle été desservie par une sonorisation médiocre, et peut-être aussi cette manière de dire est-elle liée au style musical, et à une volonté du compositeur qu’elle connaît bien, puisqu’elle travaille avec lui depuis 1976 ?

La fin de l’œuvre mêle les spectres des personnages historiques aux hordes de touristes inattentifs envahissant les sites archéologiques. Ayons en complément une pensée pour l’un des fils d’Akhenaton absent de l’opéra de Philip Glass, qui lui a préféré six de ses filles : Toutankhaton, qui après la mort de son père met fin au culte d’Aton, restaure le culte thébain d’Amon et règne brièvement sous un nom universellement connu aujourd’hui, Toutankhamon…

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❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
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❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

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Musique de Philip Glass
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Créé à Stuttgart (Württembergisches Staatstheater) le 24 mars 1984 sous le titre allemand Echnaton
Présenté ce soir en version de concert

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Nefertiti
Julie Robard-Gendre
La reine mère Tiyi
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Frédéric Cornille
Le grand prêtre d’Amon
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Vincent Le Texier
Les six filles d’Akhnaten
Mathilde Le Petit
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Le scribe (rôle parlé)
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