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MONTEVERDI, L’Orfeo — Beaune

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Spectacle
30 juillet 2022
« Io la Musica son »

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

L’Orfeo, favola in musica SV 318

Opéra en un prologue et cinq actes créé au Palais ducal de Mantoue le 24 février 1607.

Détails

Version de concert

Orfeo

Valerio Contaldo

Euridice, Musica

Gwendoline Blondeel

Messaggiera, Speranza

Eva Zaïcik

Proserpina, Ninfa

Marie Perbost

Caronte

Luigi De Donato

Putone, un berger

Luc Bertin-Hugault

Apollo, un berger

Cyril Auvity

Un berger, un esprit

Paul Figuier

Un berger, un esprit, l’écho

Vlad Crosman

Les Épopées

Direction musicale

Stéphane Fuget

Beaune, Basilique Notre-Dame, vendredi 22 juillet 2022 à 21h

Après Le Retour d’Ulysse dans sa patrie l’année passée, et avant Le Couronnement de Poppée l’année prochaine, Stéphane Fuget et son ensemble Les Épopées croisaient cette année la chemin d’Orfeo au Festival de Beaune. À qui ne se souviendrait plus, ou ne se serait pas encore rendu compte, que l’Orfeo de Monteverdi est l’un des plus précieux joyaux du répertoire scénique occidental, Stéphane Fuget offre avec cette version de concert la plus belle des démonstrations. Il convie le public de la Basilique Notre-Dame de Beaune aux noces du théâtre et de la musique ; et les fondements du succès de cet union, qui prend les dimensions d’un rite quasi miraculeux, paraissent dans un premier temps bien mystérieux, car tout semble dans cette interprétation frappé du sceau de l’évidence…

En le regardant diriger l’œuvre, on voit Stéphane Fuget murmurer chaque mot déclamé par les solistes ou les choristes et l’on perçoit à quel point son accompagnement musical s’articule au texte et aux dynamiques dramatiques de chaque situation. La parole trouve toujours son juste poids, relevée par tels silences, articulée à tels accents harmoniques, qui viennent densifier dans un même mouvement le discours musical et la beauté du verbe – et révéler ô combien le livret de L’Orfeo est poétique ! L’équilibre entre l’intériorité et l’expression des affects se fait toujours avec une justesse rare et l’interprétation n’est jamais gratuitement sophistiquée, elle est toujours adroitement pensée pour exalter la richesse poétique et musicale de chacun des moments de l’œuvre. 

L’effectif orchestral des Épopées est riche (à titre d’exemple, on compte trois théorbes, trois violes de gambes, quatre trombones, deux clavecins assortis de deux orgues) et dispense une ivresse sonore de tous les instants. La toccata initiale, d’abord jouée par l’ensemble des musiciens, puis reprise par les cornets et les trombones, avant d’être une fois encore jouée en tutti, est d’une énergie orgiaque, où rutilent et éclatent les timbres de tous les instruments. Le continuo est tout au long des récitatifs d’une ductilité remarquable et épouse les nuances et le phrasé des chanteurs en y apportant couleurs et variété. On remarque aussi chez les musiciens un enthousiasme à jouer, évidemment plus visible dans la première partie de l’œuvre où ils enchainent les danses et les ritournelles entrainantes avec de larges sourires et en sautillant sur leur chaise, mais aussi perceptible dans l’investissement de chaque pupitre dans la deuxième partie plus dramatique de l’œuvre. Les interventions des solistes de l’orchestre dans « Possente spirto », alors qu’Orfeo tente de séduire Caronte, le portier des Enfers, sont d’une beauté infinie : les violons d’abord, puis les cornets, spatialisés pour créer des effets d’échos, et enfin un solo de harpe d’une densité sonore inouïe, véritablement envoûtante, où l’interprète fouille les potentialités de son instruments, allant d’aigus translucides en graves obscurs, et hypnotise le public. 

On retrouve dans le chœur des Épopées, complétés par les chanteurs solistes entre leurs interventions, ce même souci du détail, rendu possible par une cohésion d’ensemble et un sens du mot qui impressionnent. Le chœur de L’Orfeo est aussi bien chargé d’accompagner les personnages dans leurs actions que de commenter l’action même : cette précision dans l’expression est donc fondamentale. Ainsi, les interventions chorales sont d’une grande diversité dynamique (les crescendos et les accents différenciés suivant les reprises sur « Ahi caso acerbo » sont saisissants) et très variées, même à l’intérieur des différents pupitres, mais préservent toujours l’intelligibilité du verbe. 

La distribution de solistes réunis ici, qui sont pour la plupart des habitués de l’œuvre et du compositeur, n’appelle aussi que des louanges – à quelques nuances près, qui ne ternissent cependant nullement la qualité exceptionnelle de l’ensemble. Valerio Contaldo est un Orfeo idéal, au timbre suave et doux. Il paraît peut-être un peu trop affligé dès son entrée, mais après l’annonce de la mort d’Eurydice, il délivre un « Tu sei morta » à fleur de lèvres, d’une intensité extrême, colorant et nuançant son chant en véritable poète. Un moment bouleversant, beau à faire pleurer les pierres… Ensuite, et jusqu’à la dernière note, il évolue sur les mêmes cimes, chantant sa partition avec naturel et variété, comme s’il l’inventait sur le moment. 

Ouvrant la représentation en incarnant la Musica, puis réapparaissant en Euridice quelques minutes plus tard, Gwendoline Blondeel charme par sa fraîcheur de timbre et d’expression, ainsi que par une belle présence. Quand Orfeo se retourne et la précipite dans la nuit éternelle, elle utilise les reflets acidulés de son timbre pour exprimer la douleur du personnage. Deux autres jeunes chanteuses, toutes les deux issues du CNSMDP, complètent la distribution féminine : Marie Perbost apparaît d’abord en nymphe puis revêt plus tard les habits de Proserpina. Sa voix de soprano fruitée se prête à merveille à l’incarnation de ces deux rôles et son tempérament révèle une Proserpina mutine, au phrasé charmant et délicat ; Eva Zaïcik surgit en Messaggiera chargée d’une puissante intensité. L’articulation entre la parole et la ligne de chant est avec elle particulièrement aboutie et chacune de ses interjections de déploration prend presque corps dans l’espace, comme un trait qui viendrait percer les cœurs de son auditoire. Elle est en Speranza d’une égale intensité et sa voix de mezzo se alors pare de couleurs moins sombres pour incarner cette divinité allégorique insaisissable.

Cyril Auvity prête sa voix claire, franche et nettement focalisée à un berger et au dieu Apollon, auquel il apporte la clarté et le rayonnement nécessaires. Cette émission vocale fait entendre un italien d’une grande limpidité et l’interprète séduit par sa manière tranchante de donner à entendre le texte. Luigi De Donato n’intervient qu’un court moment, puisqu’il n’incarne que le bref rôle de Caronte, mais sa profonde voix de basse, d’une densité presque minérale, impose sa présence avec autorité. Ce n’est pas le cas de Luc Bertin-Hugault, qui quoique d’une grande probité musicale, peine à donner à son Plutone l’éclat d’un dieu. Il est cependant absolument irréprochable en berger et se met entièrement au service de la musique et du texte. Le jeune contre-ténor Paul Figuier campe quant à lui un berger et un esprit des Enfers : d’une voix homogène et bien projetée, il confère une aura particulière à ses interventions, par sa finesse d’expression et son engagement sans artifice. Lui aussi chargé de plusieurs petits rôles, un berger, un esprit infernal et Écho, Vlad Crosman est lui aussi un jeune chanteur prometteur qui épouse parfaitement le projet d’ensemble, en accordant le texte au phrasé musical avec une attention renouvelée.

Ce concert exceptionnel, qui marque à n’en pas douter un jalon dans l’histoire interprétative de l’œuvre, est disponible à la réécoute sur France Musique. Une captation vidéo du concert est également disponible sur Culturebox. Stéphane Fuget fera résonner de nouveau cet Orfeo au mois d’octobre, à Versailles, avec probablement un enregistrement CD à la clé, mais avec un interprète différent dans le rôle-titre : Julien Prégardien.

 

 

 

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Opéra en un prologue et cinq actes créé au Palais ducal de Mantoue le 24 février 1607.

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Orfeo

Valerio Contaldo

Euridice, Musica

Gwendoline Blondeel

Messaggiera, Speranza

Eva Zaïcik

Proserpina, Ninfa

Marie Perbost

Caronte

Luigi De Donato

Putone, un berger

Luc Bertin-Hugault

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