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PURCELL/FOURÈS, Dido et Aeneas/Elissa – Sienne

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Spectacle
31 août 2023
Sienne ensorcelée

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Dido and Aeneas
Opéra en trois actes de Henry Purcell
Livret de Nahum Tate d’après sa tragédie Brutus of Alba, tirée de l’Énéide de Virgile, livre IV
Créé à Londres (Boarding School for Girls de Chelsea) en décembre 1689.

Elissa
Prologue et épilogue pour Dido and Aeneas d’Henry Purcell d’Henry Fourès sur un livret d’Elisabeth Gutjahr.
Commande du Mozarteum Salzburg et de l’Accademia Chigiana
Crée en juin 2023 au Mozarteum Salzburg

Coproduction avec l’Université Mozarteum de Salzburg

Festival della Chigiana, Teatro dei Rinnovati, Sienne, mardi 29 août à 21h15

Détails

Mise en scène
Rosamund Gilmore

Décors et costumes
Carla Schwering

Projections
Eike Mann

Dido
Anna-Maria Husca

Aeneas
Niklas Mayer

Belinda
Anastasia Fedorenko

Seconde femme
Donata Meyer-Kranixfeld

Magicienne
Jesse Mashburn

Un marin
Rodrigo Alegre

Première sorcière
Darya Litviakova

Seconde sorcière
Julia Schneider

Un esprit
Emil Ugrinov

Continuo et direction de l’ensemble vocal
Giorgio Musolesi

Barockorchester Mozarteum Universität
Direction
Kai Röhrig

L’Accademia Chigiana et le Mozarteum de Salzbourg proposent une création originale associant Dido et Aeneas de Henry Purcell avec Elissa, commande au compositeur français Henry Fourès. Après une première mondiale en Autriche en juin dernier pour quatre représentations, Sienne l’accueille pour deux soirées au cœur du Palazzo Pubblico. 

La librettiste, Elisabeth Gutjahr, rectrice de l’université Mozarteum, fait référence au Dieu Baal dans le prologue, soulignant qu’il meurt et revit chaque année. C’est également ce dont se félicite le directeur artistique de la Chigiana, Nicola Sani. L’institution crée il y a tout juste cent ans par le Comte Chigi, grand mélomane, a bien failli disparaître en 2014 avec les difficultés de la banque Monte Paschi qui la finançait intégralement. Elle a su se réinventer, renaître, grâce à un festival ambitieux qui, pendant tout l’été, irrigue le territoire siennois de concerts – quatre vingt douze cette année – donnés par les jeunes artistes venus du monde entier se former ici.

Le partenariat avec Salzbourg entre dans ce cadre et permet à la Toscane d’accueillir l’ambitieuse production autrichienne. Il s’agit d’une version de Didon et Enée encadrée par un prologue et un postlude composés pour l’occasion et recentrant l’action autour de la protagoniste féminine. Ainsi la soirée d’opéra, un peu courte avec l’œuvre de Purcell, s’étoffe en une heure trente de musique.

Déjà, à Vienne puis à l’Opéra-Comique il y a près de vingt ans, Fiona Shaw, comédienne, avait réinventé le prologue perdu de Purcell à partir de textes d’Ovide, T.S. Elliot et Yeats. Plus récemment à Munich l’œuvre avait été associée à Erwartung de Schoenberg.

Cette fois, la création contemporaine délaisse la narration pour se concentrer sur une évocation poétique alternant l’anglais et une langue mystérieuse tenant de l’hébreu et d’un dialecte africain. Henry Fourès nourrit ce texte d’une musique toute en « spectres volatiles », très accessible, qui utilise l’électronique pour nourrir le son chaleureux des dix sept musiciens sur instruments anciens. Ces ajouts, y compris des sons naturels comme le ressac de l’eau, un orage d’été ou le chant des grillons, créent la connexion entre les parties contemporaines et baroques. Les percussions – exclusivement extra-européennes – s’avèrent tout aussi centrales. Le compositeur dit « les avoir utilisées comme on l’aurait fait d’une basse continue afin de soutenir tout le traitement orchestral et de structurer l’espace rythmique ».
Il aime « écrire pour les petits ensembles, raffiner à l’extrême, proposer une écriture qui laisse la place aux décisions individuelles, un espace à l’interprète. » Très impliqué dans la création, il a procédé à de nombreuses modifications depuis la partition originale aboutissant à un riche éventail de couleurs orchestrales, rendu plus sensible encore par des contrastes de volume ou de ligne mélodique.

Le thème de la naissance est également la métaphore que file brillamment la metteuse en scène Rosamund Gilmore : cachés sous un immense drap noir, les protagonistes naissent de l’informe. Les projections abstraites sur le rideau de tulle derrière lequel se trouve l’orchestre évoquent bien cet univers minéral d’une grotte d’où émergerait progressivement l’humain.
Elissa/Dido naît peu à peu à elle-même. Malheureusement, comme toujours dans l’opéra, c’est la relation passionnelle qui lui confère épaisseur et existence : Enée la nomme « ma vie », quand il part, la vie s’en va avec lui.

Dido ©Daniela Neri

Visuellement cette idée d’une identité à conquérir est matérialisée par les filets pour cheveux qu’arborent les membres du chœur, qui se saisiront de perruques pour devenir les personnages secondaires de l’action. Didon et Enée, pour leur part, se saisiront de la marée de vêtements placés au sol – référence évidente au drame des migrants, eux aussi en quête d’une place en ce monde. Mention spéciale à la superbe robe à tournure en patchwork de jean crée par Carla Schwering pour la reine de Carthage qui porte un message similaire. 

La proposition est donc d’une remarquable cohérence dans la forme comme dans le fond et c’est une équipe artistique d’excellent niveau, manifestement très soudée qui encadre les jeunes artistes qu’ils connaissent bien puisqu’ils se forment tous à Salzbourg pour deux années de Master. Kai Röhrig dirige le Barockorchester du Mozarteum depuis le clavecin avec autant d’intelligence que de précision, les danses sont particulièrement structurées et enlevées, même si le chef lutte parfois avec la justesse des cordes. L’équilibre des pupitres est notable, tout comme le travail des nuances, toujours au service de l’expressivité.

Les musiciens sont placés en fond de scène, ce qui permet aux chanteurs de mieux se faire entendre dans la ravissante salle à l’italienne du Teatro dei Rinnovati. Giorgio Musolesi encadre les douze chanteurs de l’ensemble vocal, rythmiques, percussifs, au son solidement construit en dépit de quelques décalages dans les consonnes. « Destruction’s our delight » s’avère par exemple un vrai régal. Rodrigo Alegre et Emil Ugrinov émergent du groupe pour camper avec conviction marin, ou esprit. Les deux sorcières Darya Litviakova et Julia Schneider sont elles, impeccables, tout comme la mezzo soprano Jesse Mashburn, Magicienne au timbre rond et chaud, à l’abattage réjouissant.

Anna-Maria Husca et Niklas Mayer sont légèrement plus en difficulté face à l’ambitus des deux rôles principaux : leurs aigus se révèlent parfois un peu tendus, mais leur implication est sans faille. Tous deux font montre d’une grande sensibilité musicale avec plusieurs moments de grâce suspendue comme le  « Thy hand Belinda » tout en noblesse et en émotion de la soprano.

Enfin, la Belinda d’Anastasia Fedorenko n’appelle que des éloges avec une voix fraîche, claire, bien projetée à la justesse impeccable même quand celle du violoncelle fait défaut. Elle est tout autant à son aise dans son rôle que dans le beau solo du postlude qui clôture superbement la soirée.

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Opéra en trois actes de Henry Purcell
Livret de Nahum Tate d’après sa tragédie Brutus of Alba, tirée de l’Énéide de Virgile, livre IV
Créé à Londres (Boarding School for Girls de Chelsea) en décembre 1689.

Elissa
Prologue et épilogue pour Dido and Aeneas d’Henry Purcell d’Henry Fourès sur un livret d’Elisabeth Gutjahr.
Commande du Mozarteum Salzburg et de l’Accademia Chigiana
Crée en juin 2023 au Mozarteum Salzburg

Coproduction avec l’Université Mozarteum de Salzburg

Festival della Chigiana, Teatro dei Rinnovati, Sienne, mardi 29 août à 21h15

Détails

Mise en scène
Rosamund Gilmore

Décors et costumes
Carla Schwering

Projections
Eike Mann

Dido
Anna-Maria Husca

Aeneas
Niklas Mayer

Belinda
Anastasia Fedorenko

Seconde femme
Donata Meyer-Kranixfeld

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Jesse Mashburn

Un marin
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Première sorcière
Darya Litviakova

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