Forum Opéra
LE MAGAZINE DE L'OPÉRA ET DU MONDE LYRIQUE

 

Les brèves... 




Novembre
2005

 

25/11/05

Disparition de James King...

Un nouvel héros entre au Walhalla. On apprend le décès de James King à l'âge de 80 ans. Né à Dodge City (Kansas) le 22 mai 1925, il commença comme beaucoup de ténors wagnériens par être baryton. En 1955, il réalisa, à l'occasion d'un Messie de Haendel, qu'il faisait fausse route. Il entreprit alors son changement de registre sous la houlette de Martial Singher. Adoubé lors des American Opera Auditions de Cincinnati en 1961, il éprouva sa nouvelle tessiture à San Francisco en chantant Don José aux côtés de Marylin Horne. La même année, il entamait sa carrière internationale à Florence par un vibrant Mario Cavaradossi. Il rejoignit ensuite de 1962 à 1965 la troupe du Deutsche Oper de Berlin sans pour autant se cantonner à cette seule scène. Ainsi, dès 1962, il poussait ses premières notes à Salzbourg dans Iphigénie en Aulide avec Christa Ludwig pour partenaire. Le prestigieux festival lui donna aussi l'occasion de rencontrer Karl Böhm. Ensemble, ils interprétèrent Fidelio, Die Frau ohne Schatten, Ariadne auf Naxos... Bayreuth lui ouvrit grand les bras de 1965 à 1975. Lohengrin, Siegmund, Parsifal, son répertoire commença à prendre alors sa forme définitive même si Paris et Londres applaudirent aussi son Manrico et son Calaf. Il entreprit avec succès la conquête du Metropolitan en 1966. L'opéra de New York fut d'ailleurs le lieu de sa dernière apparition en 1996, James Levine y célébrait alors ses 25 ans de présence. Sa discographie officielle comprend de manière significative quatre Fidelio, quatre Ariane à Naxos, trois Femme sans ombre, deux Parsifal, deux Lohengrin, deux Walkyrie. Les germanophones se repaîtront de sa biographie "Nun sollt Ihr mich befragen" publiée en Allemagne par Henschel Verlag. Les autres l'écouteront souvent, en 1965 sous la baguette de Sir Georg Solti, empoigner avec héroïsme Notung après avoir chauffé son ardent métal à la flamme brûlante d'une Sieglinde appelée Régine Crespin. [CR]

... et de Simone Couderc

Un malheur n'arrive jamais seul. En même temps que James King disparaît Simone Couderc. Son nom ne doit pas être inconnu des amateurs de chant français d'après-guerre. Née le 3 juin 1911, elle fut remarquée adolescente par Reynaldo Hahn. Le compositeur lui conseilla de travailler sa voix. Elle séduisit aussi Tito Schipa qui lui proposa de chanter Werther à ses côtés. Le projet hélas avorta mais combien de chanteuses peuvent s'enorgueillir de tels mentors. Sa carrière en fut auréolée : Dalila, Orphée, Margared, Azucena, Léonore, tous les grands rôles de mezzo-soprano, certains historiques comme Amneris à Orange le 2 août 1945 ou quatorze ans après au même endroit Taven dans une Mireille ensoleillée par le Vincent d'Alain Vanzo. A Paris, en 1953, Femme à Barbe, elle participa à la création locale de The Rake's progress de Stravinsky ; on disait alors "Le libertin". Elle fit ses adieux à la scène en 1976 sans abandonner vraiment le chant : elle devint professeur. Le lyricomane désireux d'apprécier la longueur de cette voix, du do grave au contre-ré, sa puissance, l'épaisseur de son timbre aussi, explorera le catalogue Malibran (www.malibran.com). Le spécialiste du "lost french style" lui consacre notamment une anthologie qui fait la part belle à ses Carmen et Leonore. Elle apparaît aussi en Urbain dans Les huguenots dirigés en 1953 par Jean Allain. Elle y gagna son surnom de "Stignani" française. Toute une époque... [CR]

La nouvelle saison de l'Opéra de Rome

La saison 2005 de l'opéra de Rome s'achève avec La Somnambula mis en scène par Pier Francesco Maestrini. Et déjà on pense à la prochaine. Le détail du premier semestre vient d'être annoncé. Il ravira les amateurs d'opéra italien. Après Don Giovanni en janvier (Marco Vinco dans le rôle-titre, Corbelli en Leporello, Devia en Anna, Raul Gimenez en Ottavio), pas moins de cinq opéras du meilleur répertoire : Rigoletto en février (Frontali en alternance avec Meoni, Vargas/Beltran, Bonfadelli/Guttierrez), en mars Il Matrimonio Segreto (Esposito,Franceschetto, dir. Jurowski) puis Maria Stuarda (Devia, Pentcheva, Di Segni pour le premier cast, dir. Frizza), le rare Sakùntala de Franco Alfano en avril (Patané, Rendall, Cassian, Taliento, Anastassov, dir Gelmetti) et enfin le Turc en Italie en mai (Lepore, Gulin, Schmunck, Rumetz, dir. Renzetti). Le reste de la saison est "en cours de construction" ce qui est curieux pour un théâtre fonctionnant sur l'année civile. Pour plus d'informations : www.opera.roma.it. [JPhT]

Réveillon à Garnier : changement de programme !

Les spectateurs qui avaient déjà fait l'acquisition de leurs billets pour concert Prêtre / Alagna du 31 décembre prochain, ont eu la surprise de recevoir un courrier leur enjoignant de retourner leurs billets (à leurs frais) pour échange. Motif : le début du concert est avancé d'une heure. Toujours aimable, la direction de l'Opéra précise que les échanges doivent se faire avant le 9 décembre et que les spectateurs qui n'y auraient pas procédé se verront refuser l'accès de la salle. Il est vrai qu'à 300 euros le second rang de loge, on ne va pas non plus prendre des gants avec les clients ! De plus, on apprend incidemment que la seconde partie, dont tout le monde parle depuis des mois et qui devait être un spectacle original des frères Alagna, est finalement remplacée sans explication par un banal concert d'airs et d'ensembles d'opéras du XIXème siècle ! [PC]

Tout sur Mozart 

50 000 exemplaires vendus en Europe dont 17 000 en France : l'intégrale des oeuvres de Mozart, parue chez Brilliant Classics cartonne. Il faut dire qu'elle tombe à point nommé, le divin Wolfgang soufflera ses 250 bougies le 27 janvier 2006, et à un prix défiant toute concurrence : moins de 100 euros les 170 CDs soit environ cinquante centimes le disque. Pour ne rien déranger, elle se présente habilement dans une boite d'une trentaine de centimètres de long, une paille compte tenu du nombre d'heures de musique. Le secret de la rentabilité de l'opération repose sur l'exploitation judicieuse des catalogues réunis des producteurs indépendants. De plus les compositeurs des siècles passés ne réclament pas de droits d'auteur et sont abordables dans toutes les langues et toutes les cultures donc largement exportables d'un pays à l'autre. Enfin, le pressage d'un CD coûte une misère et la présentation de l'ensemble a été réduite à sa plus simple expression : pochettes en papier, commentaires d'accompagnement dérisoires, livrets regroupés à part dans un cédérom, traduction limitée à la langue anglaise. Il a tout de même fallu enregistrer spécialement 40 à 45% des oeuvres, notamment les opéras de jeunesse. Compte tenu de la somme d'interprètes, il serait évidemment fastidieux de tous les citer. On mentionnera cependant avec curiosité la Reine de la nuit de June Anderson, la Fiordiligi de Soile Isokoski, le Lucio Silla d'Anthony Rolfe-Johnson aux côtés de la Giunia de Lella Cuberli, et du Cecilio d'Ann Murray, la Zaïde de Sandrine Piau accompagnée par le Sutan Soliman de Paul Agnew, l'Idoménée de Nicolai Gedda, le Belmonte de Paul Groves, la direction des Noces de Figaro et Don Giovanni par Sigiswald Kuijken. Les plus curieux compléteront la liste en allant faire un petit tour sur le Net ou achèteront carrément l'intégrale. [CR]

Touche pas à mon Ulrica

Mickael Jackson n'est désormais plus le seul à éclaircir son teint. Ulrica et Otello, deux personnages lyriques dont l'ascendance africaine est établie depuis leurs premiers pas sur scène, doivent dorénavant dissimuler leurs origines. A Londres, Le Royal Opera s'est vu contraint, dans son Bal Masqué, de ne pas couvrir de cirage la blanche peau de Stephanie Blyte. D'après The Independent, l'opéra ne peut perpétuer, sous peine de ridicule, une pratique qui depuis longtemps n'a plus cours au théâtre ou à la télévision. Elle en devient totalement risible. Covent Garden invoque de son côté son souci des problèmes inhérents au racisme. "The character of Ulrica will not be in any form of blacking up" se justifie Chris Millard, le chargé de communication, "The character is described as a negro in the libretto. The production is set in America to highlight racial issues. There are sensitivities we are aware of and it is best if she is not blacked up. We didn't feel comfortable with it, so it has gone". La présence de chanteurs véritablement noirs dans la production expliquerait aussi cette décision. Le Festival de Glyndebourne a essuyé cet été le même reproche après avoir, selon la tradition, peinturluré les deux interprètes d'Otello, David Rendall et Vitaly Taraschenko. Shocking ! [CR]

Création Mondiale de "An American Tragedy"
Mieux que la Juliette de Natalie Dessay (voir plus bas), l'événement majeur de la saison 2005-2006 du Metropolitan Opera sera la création mondiale du nouvel opéra de Tobias Picker, An American Tragedy.Le livret, signé Gene Scheer, est basé sur le roman du même nom écrit en 1925 par Theodore Dreiser. La première aura lieu le 2 décembre 2005 avec James Conlon au pupitre et, dans les rôles principaux, Patricia Racette, Susan Graham et Nathan Gunn. La distribution inclut également Dolora Zajick, Jennifer Larmore, Kim Begley, William Burden et Richard Bernstein. Francesca Zambello signe la mise en scène. Souhaitons que la tragédie américaine l'inspire plus que celle de Manrico à l'Opéra Bastille en novembre 2003 [CR].


19/11/05

Ca chauffe !

Avec l'arrivée des premiers froids, l'actualité lyrique s'engourdit. Le lyricomane, en mal de nouvelles sensationnelles, doit, pour se sustenter, traverser l'Atlantique. Il ne s'attarde pas cependant au nord sur le forfait de Natalie Dessay, trop enrhumée pour chanter sa première Juliette au Metropolitan Opera. La soprano française est depuis guérie et, si on en croit The New York Times, a même réalisé des prouesses aux côtés de ses autres partenaires français, Stéphane Degout en Mercutio et Bertrand de Billy à la baguette. Cocorico ! Il préfère s'envoler plus au sud, jusqu'en Argentine où le fameux théâtre Colon traverse une zone de turbulences. La rémunération des musiciens est à l'origine de mouvements sociaux. Excédé par les grèves à répétition qui perturbent le bon déroulement de la saison lyrique, la municipalité a décidé la fermeture pure et simple de l'opéra. Un jugement vient a contrario d'ordonner sa réouverture. Mais la décision se révèle difficile à appliquer car, pour le moment, aucun arrangement salarial n'a pu être conclu. Le directeur, Stefano Lano, en poste depuis 3 mois (lire la brève du 7 septembre), doit regretter sa récente affectation. Si cela peut le consoler, ses confrères italiens ne sont pas plus à la fête. Depuis les derniers événements relatés dans ces colonnes, la situation évolue lentement. Le ministre Rocco Buttiglione a menacé de démissionner si le gouvernement ne révisait pas à la hausse le montant du budget alloué à la culture. Les artistes ont défilé à Rome pour manifester leur mécontentement. A Florence, le baryton Claudio Fantanio a entamé une grève de la faim en guise de protestation. Neuf membres des choeurs de l'Opéra de Turin ont fait de même. A Milan, La soprano Barbara Vignudelli a également cessé de s'alimenter. "Je me sens bien mais je rêve d'un sandwich à la mortadelle" a-t-elle déclaré aux journalistes qui se précipitaient à son chevet, "J'agis ainsi pour faire honte à nos politiciens. Nous avons l'un des héritages culturels les plus importants au Monde, ce serait un désastre pour l'Italie si ces réductions budgétaires se concrétisaient". Stéphane Lissner, en réponse à Silvio Berlusconi qui trouvait que La Scala employait trop de personnes, a démontré lors d'une conférence de presse que l'effectif de son théâtre restait dans la norme, comparé à celui de bon nombre de ses congénères européens. Mais afin de ne pas disperser son énergie, il vient de renoncer à ses fonctions de directeur général du Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence. Ebranlé par le brouillamini, le gouverment Berlusconi consentirait enfin à revoir sa copie en passant à 102 millions d'euros le montant des restrictions (au lieu des 164 millions initiaux). L'effort est méritoire mais la réduction reste de taille. "L'été sera chaud" dit la chanson. L'hiver aussi ! [CR]

Hommage à Beniamino Gigli

Sa tombe pyramidale est l'un des fleurons du cimetière de Recanati, son village natal, perché opportunément entre Macerata et Pesaro. Beniamino Gigli y poussa son premier cri le 20 mars 1890. Fils d'un modeste cordonnier, il dut exercer un peu tous les métiers afin de payer ses études de chant. Le premier prix du Concours de chant de la ville de Parme lance sa carrière. Il débute à Rovigo en 1914 dans La Gioconda de Ponchielli. Tullio Serafin le remarque et l'engage à Gênes où il interprète avec succès Tosca, Manon, etc. Le rôle de Faust dans Mefistofele de Boito lui ouvre les portes de la gloire, au San Carlo de Naples pour commencer, puis surtout à La Scala de Milan sous la direction d'Arturo Toscanini. Il devient alors la coqueluche de toutes les grandes scènes lyriques de New York à Buenos-Aires. Il fait ses adieux au public en 1954, au terme d'un parcours magnifique d'une quarantaine d'année, et meurt trois ans après à Rome. Le velours unique de son timbre, son charisme aussi, en font l'un des plus grands ténors du XXème siècle dans la droite lignée de Caruso. Recanati, inconsolable, célébrait le 12 novembre dernier son fils préféré en organisant une grande manifestation intitulée "Beniamino Gigli : un grande figlio della nostra terra". La soirée a débuté par la projection d'un documentaire réalisé par Giorgio Cingolani et s'est poursuivie avec un récital des élèves de l'école de musique locale, école qui porte évidemment le nom glorieux de l'illustre chanteur. [CR]


10/11/05

Rendez-vous à Lille avec Monteverdi

"Sunday, Monday, Happy days" chantait la série télévisée aux alentours des années 75. Dans un autre registre, le samedi 12 novembre sera un jour heureux à Lille. La nouvelle production de L'Orfeo (www.opera-lille.fr) que dirige Emmanuelle Haïm du 5 au 17 novembre, s'accompagne de multiples rendez-vous mais la deuxième session des "Happy days", intitulée "Un Madrigal, des madrigaux !" en est le temps fort. L'opéra ouvre ses portes pour une journée musicale en compagnie de Monteverdi et d'autres compositeurs italiens du XVIIe siècle. Dès midi, la grande salle, la rotonde ou le foyer de la danse résonnent aux sons de polyphonies à deux ou six voix accompagnées des luths, violes de gambe, orgues et clavecins. Des musiciens argentins se mêlent aux solistes de L'Orfeo et aux instrumentistes du Concert d'Astrée. Ils apportent leur touche exotique à cet étonnant voyage musical au coeur de l'univers baroque. Les fameux concerts du mercredi se mettent eux aussi au diapason de l'événement durant deux semaines avec, le 9 novembre des transcriptions de madrigaux de Monteverdi et oeuvres de compositeurs contemporains avec la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, et le 16 novembre, des airs et lamentations pour voix seule, en l'occurrence celle du contre-ténor Pascal Bertin accompagné de Laura-Monica Pustilnik au luth. Enfin, coup de théâtre, ce même 16 novembre, Rolandò Villazon en personne interprète Le combat de Tancrède et de Clorinde au profit du jumelage hospitalier entre le CHRU de Lille et l'hôpital de Benda Aceh détruit par le tsunami de décembre 2004. La soprano Kerstin Avemo et le ténor Topi Lehtipuu s'associent à ce bel élan de générosité. [CR]

Teddy Tahu Rhodes, le Brad Pitt de l'opéra

"Le classique se fait glamour" s'inquiète Nicolas d'Estienne d'Orves dans Le Figaro Magazine. Teddy Tahu Rhodes, le dernier baryton à la mode outre-Atlantique, en apporte une preuve supplémentaire. Importé d'Australie, il combine crânement son mètre quatre vingt quinze avec la blondeur et le bronzage des surfeurs et répond aux interviews vêtu d'un jean habilement lacéré et d'un tee-shirt moulant. Doué d'un tel physique, il n'a eu aucun mal à se glisser dans la peau de Stanley, le héros de A Streetcar Named Desire, interprété au cinéma par Marlon Brando, c'est tout dire. A Sydney, sur les terres de Dame Joan Sutherland dont la plastique n'était pas la première des qualités, ses débuts sur scène il y a 7 ans firent d'autant plus sensation. Les medias le baptisèrent "Brad Pitt de l'opéra". Les journaux américains, eux, hésitent entre un mélange de Paul Bettanu et Viggo Mortensen ou un Sting en mieux. "Je ne comprends vraiment pas cette agitation" interroge innocemment le beau Teddy avant de reconnaître un peu après "Je suis souvent perturbé par cette obsession de mon apparence et la pression pour la maintenir". Et la voix dans tout ça ? Apparemment au diapason de l'anatomie. Brillante, puissante, lyrique, elle a déjà été récompensée d'un prix pour la meilleure performance masculine et d'un autre pour le meilleur album classique. Miriam Cosic, reporter à The Australian, en est encore toute retournée. "Il est spectaculaire", commente-elle au sujet de son récent Don Giovanni, "non seulement par son chant superbe, assuré, chaud, fort mais aussi par son magnétisme. Il y eut des moments où le public était littéralement happé, et pas les femmes uniquement !" [CR]

2005, année de la Lettonie

Nous sommes trop nombreux à l'ignorer : c'est l'année de la Lettonie en France. A notre décharge, l'événement se fait discret, largement éclipsé par l'astre bigarré du Brésil. Bordeaux, ville jumelée à Riga, marque cependant le coup en présentant du 23 au 27 novembre en son Grand-Théâtre, une production de l'opéra National de Lettonie : La Dame de Pique de Tchaïkovski. Son directeur, Anfrejs Zagars a signé lui-même la mise en scène : "j'ai choisi un axe dominant dans le triangle relationnel dont les sommets sont Hermann, Lisa et la Comtesse. Un choix qui à bien des égards définit l'intensité dramatique de l'interprétation sur scène. La Dame de pique est souvent, dans la tradition russe, marquée par la présence de Dostoïevski. Dans ma production, je recherche le côté Tchékhovien : l'aspiration humaine si familière au bonheur et à la liberté, et l'errance humaine dans le labyrinthe des circonstances et des situations qui s'avèrent incapables d'exaucer ce désir". Plus concrètement, l'action est transposée dans le Russie actuelle afin de restituer avec une intensité toute contemporaine le souffle du chef-d'oeuvre. L'avis de Johan Breiholz du magazine Opernwelt achève de rassurer : "La mise en scène d'Andrejs Zagars est tout simplement la meilleure que j'ai eue l'occasion de voir pour cet opéra, de New York _ Vienne". Une tournée prévue dans de nombreuses villes de France devrait permettre de se forger sa propre opinion. [CR]

Gergiev et Led Zeppelin, même combat 

Quel rapport existe-t-il entre Valery Gergiev et Led Zeppelin ? Le Prix Polar Music 2006 décerné chaque année par l'Académie Royale Suédoise de Musique. Il leur sera remis officiellement le 22 mai 2006 lors d'une cérémonie de gala par le roi Carl XVI Gustav lui-même. Dixit le jury, le directeur du Théâtre Mariinsky a été distingué pour la manière dont ses qualités musicales, uniques, électrisantes, ont approfondi et renouvelé les relations avec la grande tradition et pour la façon dont il est parvenu à développer et amplifier l'importance de la musique artistique en ces temps modernes et changeants. Les heureux lauréats se partageront la coquette somme d'un million de couronnes (plus de cent mille euros). Ce n'est pas pour rien que l'autre nom du Prix Polar Music est le Prix Nobel de Musique. [CR]

Lisa Minelli à l'Opéra

Quel rapport existe-t-il entre Lisa Minelli et l'Opéra ? Aucun serait-on tenté de répondre rapidement, à tort car le récital exceptionnel que la chanteuse américaine donne à Paris le 24 février 2006 aura lieu au Palais Garnier. "Une tactique perverse de Gérard Mortier pour ramener dans les rangs de l'opéra un public égaré par sa programmation subversive" s'empressent déjà de maugréer les contempteurs du directeur de l'ONP. Là encore ils se trompent. La dame s'est déjà produite dans cette même salle en 1989 en compagnie de Franck Sinatra et Sammy Davis Junior. Sa dernière série de concerts parisiens remonte à 1991. Elle avait alors partagé la scène trois semaines durant avec Charles Aznavour. Pour faire taire définitivement les mauvaises langues, une réception dans le Grand Foyer sera donnée à l'issue de la représentation en présence de l'artiste et au bénéfice des associations de solidarité Care et Sidaction. [CR]

Une Traviata sous cocaïne

Violetta Valery n'est pas une jeune femme recommandable. Giorgio Germont ne dira pas le contraire. L'Opéra de Dublin apporte de l'eau au moulin du père d'Alfredo en plaçant notre dévoyée préférée au coeur d'une sombre histoire de cocaïne. Les douaniers britanniques ont découvert à Douvres pour un demi million d'euros de poudre blanche dans l'un des quatre camions qui transportaient les costumes et équipements d'une production de l'oeuvre de Verdi destinée au Gaiety Théatre (www.gaietytheatre.net). Le conducteur du chargement a été arrêté, le véhicule et son contenu sont immobilisés en Grande Bretagne jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur l'affaire. Le directeur de la compagnie, David Collopy, affirme évidemment qu'il n'a rien à voir avec ce trafic mais s'inquiète de la menace qui pèse sur l'avenir du spectacle si la cargaison n'est pas acheminée à Dublin dans les plus bref délais. La Traviata doit être représentée du 19 au 27 novembre. [CR]


04/11/05

Gergiev et Karajan, même combat

Laisser à Saint-Pétersbourg une partie de ce que Karajan a légué à Salzbourg. Dans l'interview qu'il accorde à l'Express cette semaine, Valery Gergiev n'y va pas par quatre chemins ; quand on est le chef le plus demandé au monde, il faut un endroit adapté à sa démesure : "Nous procédons à une reconstruction de tout le quartier autour du Mariinski en vue de la création d'un grand complexe. Nous achevons la rénovation de l'ancien théâtre; nous en construisons un nouveau, ultramoderne, sous la direction de l'architecte français Dominique Perrault ; il y aura aussi un auditorium flambant neuf, confié à une équipe japonaise.". On le voit, le projet est ambitieux. Ce futur opéra, qui comprendra une salle de 2.000 places, représente la première construction d'architecture contemporaine dans le coeur historique de l'ancienne Leningrad (la ville a soufflé ses 300 bougies il y a deux ans). Une spectaculaire extension dorée devrait relier l'opéra au canal à travers de nouveaux espaces et de nouvelles vues sur la cité. Les plus curieux d'entre nous pourront admirer ces projets à la Maison de l'architecture en Ile-de-France à Paris. Quant au moyen de financement, il vaut mieux, comme toujours, avoir un bon copain ; Valery Gergiev ne s'en cache pas : "Poutine a décidé lui-même de l'aide accordée. Et je crois qu'il perçoit très bien l'importance du théâtre pour la ville et le pays. C'est une chance d'avoir ce jeune président, capable de faire changer la Russie.". De toute façon, poursuit-il : "Nous ne raisonnons pas seulement en termes d'argent... Un artiste n'est pas un banquier ! Ma philosophie se résume ainsi : construisez votre réputation, et votre notoriété vous donnera les moyens de votre ambition... Mon nom - et celui du Mariinski, de ses chanteurs, de ses danseurs - me permet de trouver de l'argent.". On note au passage une pensée que Gérard Mortier ferait bien de mettre en pratique à l'ONP : "Une maison d'opéra, en Italie, en France, en Allemagne, qui peut s'appuyer sur une très forte tradition nationale, se doit d'abord d'être la meilleure dans son domaine. Le nôtre, c'est l'opéra russe. A cause de notre histoire, bien sûr, puisque des chefs-d'oeuvre comme Boris Godounov, La Dame de pique ou Le Prince Igor ont été créés dans nos murs. Par la culture, également. Notre langue n'est pas très facile - comment la chanter sans en comprendre profondément le sens, en donner les bonnes couleurs?". Quant au secret de cette réussite, il n'est pas nouveau : "Le travail et rien d'autre". On laissera, à ceux qui veulent connaître son opéra favori, le soin de lire l'interview dans son intégralité. On préférera conclure sur cette promesse alléchante "Une nouvelle génération monte actuellement, que je dirigerai au Châtelet dans Le Voyage à Reims de Rossini. Vous serez très surpris.". [CR]

Quand l'opéra voit rouge

Christian Lacroix a depuis longtemps franchi les seules frontières de la mode pour déployer son talent dans d'autres domaines, la décoration intérieure du TGV, le graphisme du Larousse ou celui de l'almanach de Libération,... Son site officiel témoigne aussi de sa passion pour le théâtre. Elle s exprime à la Bibliothèque-musée de l'Opéra de Paris du 25 octobre 2005 au 15 janvier 2006 à travers une large sélection de costumes et de dessins. Les matières, les styles et les époques se mélangent joyeusement avec comme fil conducteur une couleur, celle de l'art dramatique, chanté ou parlé, qu'affectionne tout particulièrement le couturier : le rouge. L'historien anthropologue Michel Pastoureau, spécialiste mondial de la question, complète le parcours en quelques panneaux riches d'enseignements. Cerise, fraise, tomate, rubis mais aussi sang, flamme, passion, il nous rappelle que le rouge réunit en une seule teinte tous les ingrédients de l'opéra. [CR].

La médiathèque du siècle

Amis chercheurs, cette nouvelle est pour vous ! La Cité de la musique à Paris vient d'ouvrir une médiathèque musicale dont quelques chiffres donnent une idée de l'importance : 800 m2 répartis sur 2 niveaux, 70 000 documents dont 35 000 partitions, 15 000 livres, 500 revues, 6 000 CD et DVD, 1 100 plans d'instruments, 5 000 dossiers, 80 places assises, 42 postes informatiques, 90 casques d'écoutes, 9 postes de lecture DVD et VHS. Elle regroupera toutes les informations consacrées aux instruments, aux disciplines, aux métiers de la musique, sans négliger la pratique amateur, ni oublier le patrimoine sonore et audiovisuel. Un portail Internet devrait voir prochainement le jour : www.mediatheque.cite-musique.fr. Il comprendra des dossiers pédagogiques ainsi qu'une rubrique de petites annonces avec offres d'emploi, auditions d'orchestre et de choeur, cours particuliers etc. Bref, le courrier du coeur du mélomane. [CR].

Zoom sur Kent Nagano

Coup de projecteur sur Kent Nagano alors que s'achèvent les représentations de Cardillac à l'Opéra de Paris. Le chef de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM), et à partir de 2006 son directeur musical, vient de recevoir un doctorat en musique décerné à titre honorifique par l'Université McGill. Son site officiel est à jour, le fait est suffisamment rare pour être noté. Il présente notamment son calendrier pour la fin de l'année. D'un point de vue lyrique, après Les 4 derniers lieder interprétés en octobre à Montréal par la soprano Juliane Banse, le chef s'envolera pour Los Angeles où l'attendent à partir du 19 novembre la Tosca de Violetta Urmana solidement épaulée par le Mario de Salvatore Licitra et le Scarpia de Samuel Ramey. Il restera sur place et enchaînera directement en décembre avec Parsifal mis en scène par Bob Wilson. La Walkyrie parisienne, Linda Watson, chantera Kundry tandis que l'armure du chaste fol sera endossée par Placido Domingo. Tiens, ça faisait longtemps... [CR].

Domingo et Golaud, même combat 

Inutile de résister ; de toute façon, on ne peut plus s'en passer. D'ailleurs, nous en parlerons encore en 2007. Placido Domingo sera alors l'invité du Festival finlandais de Savonlinna. Il se déplacera avec toute la compagnie du Washington National Opera. Rien n'est encore signé mais la troupe devrait interpréter La Walkyrie de Richard Wagner et un opéra contemporain américain, Sophie's Choice de Nicholas Maw ou Of Mice and Men de Carlise Lloyd. Que les finnois ne se réjouissent pas trop vite. Le pétulant ténor, âgé aujourd'hui de 64 ans, ne chantera pas forcément ; il serait plutôt question qu'il joue au chef d'orchestre. "Il ne peut pas savoir si il aura la forme vocale pour interpréter Siegmund en 2007" explique Christina Scheppelman, la directrice artistique de l'Opéra de Washington. C'est vrai qu'il est un homme comme les autres, on aurait tendance à l'oublier. [CR].

L'autre Gégé de l'opéra

Il est au cinéma ce que Placido Domingo est à l'opéra : un monstre sacré. Depuis plusieurs années, son amour du chant le pousse dans les bras de la muse lyrique. Après son incarnation d'Antonio Salieri aux côtés de Cecilia Bartoli, ses multiples collaborations au Festival de Radio France et de Montpellier, Gérard Depardieu tiendra le rôle du récitant dans l'enregistrement de Hary Janos de Kodaly produit par le label Accord d'Universel Classics France. Il sera entouré du baryton Béla Perencz, des mezzo-sopranos Nora Gubisch et Lucia M.Schwartz, accompagné par l'Orchestre national de Montpellier et dirigé par Friedemann Layer. "Je trouve courageux que Zoltan Kodaly ait su intégrer du folklore dans son oeuvre. C'est rare. La musique classique et le folklore ne font pas toujours bon ménage, surtout en France" profère-t-il avant d'avouer "un rapport extrêmement émotionnel avec la musique. Je ne peux pas écouter de la musique très fort. Ça me fait battre le coeur trop vite". Les mauvaises langues lui répondront qu'avec La Bartoli, il ne risque pas grand-chose, les autres savent bien que ce n'est pas seulement une question de volume. [CR].


Disparition de James King
Brèves du 25/11/05

Barbara Vignudelli
Brèves du 19/11/05

Teddy Tahu Rhodes
(photo © Karin Cooper)
Brèves du 10/11/05

Valery Gergiev
Brèves du 04/11/05

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