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Les Silencieux. Les compositeurs à l'épreuve du silence

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Livre
27 mai 2019
Tout à coup tu t’es tu

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

104 pages, 12,90 euros

Avril 2019

ISBN : 978-2919046-71-3

A l’été 2015, dans une interview accordée à Forum Opéra, Peter Gelb annonçait fièrement que Nadine Sierra allait interpréter dans son théâtre le rôle-titre d’une nouvelle Iphigénie en Aulide, opéra commandé à Osvaldo Golijov. A en croire le directeur du Met, le compositeur argentin dont le premier opéra avait notamment été chanté par des artistes du calibre de Dawn Upshaw et Franco Fagioli, était en train de « terminer » sa partition. Sauf que non. Rien en vue. Le projet est tombé à l’eau, et il est peu probable que l’on entende de sitôt un opéra de ce monsieur sur la scène du Lincoln Center, puisque « Le Metropolitan Opera de New York a brisé (fait unique danns son histoire le contrat qui le liait au compositeur car celui-ci avait promis un opéra dès 2006 ». Pourquoi ? Parce que le pauvre Osvaldo, après avoir été remarqué, porté aux nues, comblé de prix, couvert de commandes, semble avoir succombé à une version extrême de la crampe de l’écrivain. Trop sollicité, incapable de livrer à temps les nouvelles œuvres qu’on lui réclamait, il a cédé à la tentation du plagiat (en accord avec le plagié, apparemment) et le scandale en résultant a – définitivement ? – tari son inspiration. Autrement dit, Osvaldo Golijov est l’un de ces « Silencieux » auxquels s’intéresse notre confrère Laurent Vilarem dans un fascinant essai consacré à un sujet rarement traité.

On sait un peu mieux que certains compositeurs se sont tus volontairement, parce qu’ils estimaient ne plus rien avoir à dire : ce fut semble-t-il le cas d’Edward Elgar, et surtout de Gioachino Rossini, qui avait posé la plume de peur de se répéter, et qui ne la reprit vraiment que pour livrer son Stabat Mater et sa Petite Messe solennelle. Après Pelléas – où il s’était servi « du silence (ne riez pas) comme agent d’expression », avait-il écrit à Messager – Debussy fut incapable d’avancer dans la composition de La Chute de la maison Usher, opéra pour lequel il avait signé un contrat d’exclusivité avec le Met (lui aussi ? y aurait-il un lien de cause à effet ?). Manuel de Falla multiplia jusqu’à l’absurde les brouillons pour son opéra L’Atlantide, laissé inachevé à sa mort. On découvre que d’autres que Golijov ont été victimes de leur succès même : après le triomphe planétaire de sa Troisième symphonie enregistrée par Dawn Upshaw (encore elle ? ça en deviendrait presque louche), Henryk Górecki ne savait plus à quel saint se vouer, et plutôt que de prier du côté des minimalistes, il se serait tourné dans une tout autre direction, sa symphonie suivante ayant été achevée par son fils. Il y a aussi la maladie, « la vieille servante de la mort » comme dit Arkel – l’expression sert de titre à un chapitre du livre – qui cause le terrible silence de Ravel, ou la démence qui, pour Schumann, rime avec silence. Silence de la mort prématurée pour Albéric Magnard, tué en septembre 1914 par des soldats allemands qui voulaient brûler le manuscrit de Guercœur. Et puis il y a ces compositeurs dont on ne sait presque plus rien, comme ce Thierry Lancino, disparu de tous les radars après son superbe Requiem créé en 2010.

Plus tristement, le silence fut aussi imposé à bien des compositrices, en raison du sexisme ambiant, comme par exemple à Clara Schumann ou à Alma Mahler, plus ou moins explicitement sommées de renoncer à leur activité créatrice une fois mariées.

Et puis heureusement, il y a ceux qui sont revenus du silence, pour qui le mutisme ne fut qu’une phase parmi d’autres. Ainsi Hans Abrahamsen, dont Paris entendra bientôt le sublime Let me tell you, qui resta silencieux pendant huit ans au cours des années 1990.

Poursuivant dans un style toujours alerte son récit qui se lit souvent comme une véritable enquête policière, Laurent Vilarem élargit son sujet à d’autres formes de silence : celui qui s’impose pendant et un peu après l’audition d’une œuvre musicale (celui qu’exigea Wagner à la création de Parsifal, par exemple, enfin, après les premiers actes mais surtout pas après le dernier). Il évoque même, en passant, le « silence de la Maréchale dans le finale du Chevalier à la rose ». Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire sur les silences de l’opéra, un autre livre à écrire, peut-être.

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