Après sa soirée d’ouverture et un spectacle jeune public, pour sa 35e édition, le Festival International de Musique de Dinard propose un troisième concert lyrique qui permet d’entendre quatre jeunes artistes accompagnés par Génération Opéra.
Sans grande surprise mais équilibré, le programme constitue un florilège lyrique tout à fait classique où brillent particulièrement les deux chanteuses, toutes deux lauréates des Voix nouvelles 2023.
Primée au Concours Reine Elisabeth, l’épatante Juliette Mey a également été sacrée Révélation Artiste lyrique aux dernières Victoires de la Musique classique 2024. Cette saison, elle incarnera Siebel à l’Opéra de Lille puis à l’Opéra Comique. Ce soir elle enchante le public dans Mozart aussi bien que dans Rossini.
Vive, très juste dans ses adresses au public, Cherubino lui va comme un gant, En Lazuli, dans l’Etoile de Chabrier, éclatent son aisance, son naturel et une présence scénique piquante. Le timbre est riche, chaud, ductile, homogène sur l’ensemble de la tessiture avec des graves et des mediums qui conservent toujours leur brillant, leur moiré.
L’art de la ligne est consommé ; celui des vocalises s’épanouit pleinement avec deux formidables incursions chez Rossini en Angelina avec « Nacqui all’affanno » puis en Rosina pour « Dunque io son » en duo avec Mathieu Walendzik. Juliette Mey est une rossinienne née, elle en a l’énergie joyeuse, l’impeccable technique imperceptible sous le pur plaisir de chanter.
Le baryton, pour sa part, ne semble pas au mieux de sa forme. Dans ce duo du Barbier de Séville – qui arrive en fin de programme – ses vocalises sont assez raides, les medium détimbrés, les aigus décrochent et il renonce même à chanter certaines phrases. Fatigue vocale patente donc, puisque plus tôt dans la soirée il est tout à fait convaincant sous les oripeaux du même Figaro dans un « Largo al factotum » vibrionnant. Il y amuse le public en entrant depuis la salle sa trousse de toilette à la main, avant de dégainer rasoir, crème et brosse à dents. Son naturel alerte se prête d’ailleurs bien à ce type de personnage. Si son Comte Almaviva fait encore figure de chérubin, trop sentimental, qui a besoin de mûrir, « Papageno Papagena, Papagena, Papagena !… Weibchen, Täubchen… » permet de mettre en valeur une belle conduite de la ligne vocale et un goût évident du jeu car cette fois, c’est avec son nœud papillon qu’il fait mine de se pendre.
Dans le duo des Nozze, « Crudel, perché finora », c’est la Suzanne d’Héloïse Poulet qui emporte l’adhésion. Elle en a le timbre idéal, bien projeté, la jolie présence pétillante.
Son actualité est dense cette saison avec Clorinda dans La Cenerentola à Nancy, Caen et Reims, Parthénis dans La Belle Hélène à Toulon avant Zerlina dans Les Brigands à l’Opéra Garnier à Paris l’été prochain.
Légèrement instable, un peu basse, en début de programme avec « Me voilà seule dans la nuit… » extrait des Pêcheurs de perles, la soprano s’impose mieux à chaque intervention, de Gounod à Poulenc. En Juliette – « Dieu ! Quel frisson court dans mes veines ? » – comme dans l’air d’entrée des Mamelles de Tirésias – « Non, Monsieur mon mari » – les vocalises sont faciles, la ligne sereine, les registres bien unifiés. Si elle a malheureusement tendance à exposer ses préoccupations techniques avec des gestes parasites, elle est également capable d’incarnations délicieusement farfelues et très justes scéniquement.
Fidèlement accompagnée par Rodolphe Lospied, aussi généreux qu’à l’écoute (et qui ne s’empare du plateau que pour un trop bref hommage à Edith Piaf), la douceur iodée de cette soirée bretonne se dit enfin en italien puis en français lorsque le trio conclut le concert avec « Soave sia il vento » puis «Heure exquise » en guise de bis.