Forum Opéra
LE MAGAZINE DE L'OPÉRA ET DU MONDE LYRIQUE

Les brèves... 




Mai
Avril
Mars
2007

 

20/05/07

Vivica Genaux à Hollywood

Vous la reconnaîtrez d’abord sans la voir dans un extrait d’0mbra fedele anch’io, la superbe aria tirée de l’Idaspe de Riccardo Broschi qui figurait au programme de son album Farinelli, mais aussi du biopic éponyme de Gérard Corbiau. Quelques instants plus tard, Vivica Genaux apparaît sur la scène du Walt Disney Concert Hall de Los Angeles dans un récital auquel assiste Willy Beachum (Ryan Gosling), le héros de Fracture (La Faille), excellent thriller de Gregory Hoblit avec Anthony Hopkins dans le rôle d’un tueur raffiné et très cérébral qui nargue avec délectation un jeune avocat aux dents longues (Beachum) … Un air de déjà vu ? Toujours est-il que l’intrigue est fort bien ficelée et la performance d’Hopkins, un régal. Quant à Genaux, elle a sans doute été repérée par le réalisateur ou le scénariste à l’Opéra de Los Angeles où elle interprétait l’Orfeo de Gluck en 2003. A moins que notre psychopathe favori, en mélomane averti, ait soufflé son nom à la production … [BS]

08/05/07

Good bye Rita Gorr

Son Amnéris bouillonnante, enregistrée chez DECCA en compagnie de John Vickers et Leontyne Price sous la baguette de Sir Georg Solti, fait encore référence. Las, les meilleures choses ont une fin. La mezzo-soprano belge Rita Gorr vient d’annoncer qu’elle quitterait la scène à l’issue des représentations de"La Dame de Pique" au Vlaamse Opera en juillet prochain. Agée de 81 ans, la cantatrice peut s’enorgueillir d’une carrière aussi longue que prestigieuse. Toutes les plus grandes scènes lyriques du monde entier, notamment Paris, Milan, New York et Bayreuth l’ont applaudie durant plus de 58 ans. [CR]

05/05/07

Bejun Mehta renonce aux lauriers de César

Acclamé à Glyndebourne, le Giulio Cesare mis en scène par David McVicar  fait une halte à l’Opéra de Lille du 15 au 26 mai avant de s’envoler pour Chicago. C’est le contre-ténor Bejun Mehta qui devait à l’origine ceindre en France les lauriers du héros de Haendel. Il vient hélas de déclarer forfait, entraînant quelques chamboulements dans la distribution. Sonia Prina, initialement prévue en Cornelia, cède son rôle à Charlotte Hellekant afin de pouvoir endosser la toge de l’empereur romain. Le reste de l’affiche ne change pas : Anna Christy conserve la tiare de Cléopâtre et Emmanuelle Haïm la baguette du Concert d'Astrée. [CR]

30/04/07

Jean-Philippe Lafont vibre !


Le baryton Jean-Philippe Lafont a fait, dimanche 29 avril, la démonstration de sa capacité à vibrer. De son large vibrato même, pour tout dire. C'était à Bercy, avec micro, dans une Marseillaise enflammée, aux côtés de Faudel, Gilbert Montagné et Doc Gynéco. Etait-ce pour une version "cross-over" de Macbeth ou de la Damnation de Faust ? Hélas, c'était pour la conclusion du meeting du candidat Sarkozy très "star-ac". Côté Ségolène, à Charlety, pas de vedettes du lyrique, mais de grands chanteurs quand même comme Jane Birkin ou Grand corps malade. Qui a dit que les grandes voix étaient absentes de la campagne ? [JPhT]

27/04/07

Rostropovitch : un défenseur de l’opéra russe
(1927 - 2007)

Rostropovitch ne fut pas seulement l’immense violoncelliste que l’on sait, il fut aussi pianiste et chef d’orchestre et apporta une contribution non négligeable au répertoire vocal, notamment en accompagnant sa femme, la célèbre soprano Galina Vichnievskaya.
On leur doit ainsi des mélodies de Tchaïkowsky, Rimsky-Korsakov, Chostakovitch et d’extraordinaires Chants et danses de la mort de Moussorgsky.
Pour ce qui est de l’opéra, Rostropovitch se concentrait sur le répertoire russe. Sa fougue, son caractère passionné et exubérant trouvait sa juste mesure dans les ouvrages intenses et grandioses. Bien avant Gergiev, il fit découvrir des ouvrages alors méconnus : Guerre et Paix, la version de 1869 de Boris Godounov, Yolanta de Tchaïkowsky et surtout Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch.
Pour notre part, nous retiendrons trois enregistrements lyriques de Rostropovitch, tous trois avec Galina Vichnievskaya, qui était systématiquement de la partie. Tout d’abord une version électrique de La Dame de Pique, dont la direction incandescente de Slava n’a pas été surpassée (scène de l’orage !), avec un Peter Gougaloff halluciné en Hermann, une Galina certes un peu fanée mais bouleversante et la Comtesse terrifiante de Regina Resnik. Si les chœurs sont insuffisants, l’orchestre (National de France) est superbe et place cette version au sommet de la discographie de l’œuvre.
Du même Tchaïkowsky, on retiendra aussi Yolanta, magnifique opéra en un acte du dernier Tchaïkowsky (il fut créé le même soir que l’autre chef-d’œuvre que constitue Casse-Noisette) avec notamment un Nicolaï Gedda toujours aussi vaillant.
Mais le sommet incontestable de Rostropovitch chef d’opéra (si ce n’est chef d’orchestre tout court) est la Lady Macbeth de Mzensk dont il s’était fait le porte-drapeau (au point de refuser catégoriquement la version « soft » Katerina Ismaloïva). On ne trouvera nulle part ailleurs une telle urgence, une telle sauvagerie dans la direction – surtout pas dans la version bien pauvre de Chung – ainsi qu’une distribution absolument idéale qui font de cette version un jalon incontournable de l’opéra du XXe siècle.
Il étonnant de constater combien la discographie lyrique de Rostropovitch s’est pleinement consacrée, si ce n’est limitée, à l’opéra russe. Il faut y voir la volonté de défendre ce répertoire bien sûr, mais sans doute aussi, une manière pour le chef et sa femme de s’immerger dans un monde qu’ils avaient fui après leur passage à l’Ouest.
Les critiques du régime communiste, les amitiés « particulières » (dont la plus fameuse est celle, magnifique, avec Alexandre Soljenitsyne), les prises de position radicales (soutien de Prokofiev et Chostakovitch après qu’ils eurent été qualifiés de compositeurs « formalistes ») et bien sûr leur passage de l’autre côté du rideau de fer, tout cela coûta cher aux deux musiciens dans leur pays. Ainsi, peu avant leur départ, on fit comprendre à Rostropovitch qu’il était « fini » et quelques jours après leur abandon de l’URSS, il n’y a plus une seule photo de Galina Vichnievskaya dans les couloirs du Bolchoï alors qu’elle en était la star. Puis en 1978, suprême humiliation, ils furent tous deux déchus de leur nationalité.
Ainsi, tout comme Rostropovitch s’empresse de jouer sur les ruines du mur de Berlin (inoubliable image) en 1989, le couple se précipite dans la Russie renaissante après 1991 où ils sont accueillis avec les honneurs, Gorbatchev leur restituant la nationalité russe et Poutine les recevant au Kremlin. Ce dernier événement fut parfois incompris par les occidentaux, mais un occidental ne peut réaliser combien l’attachement des Russes à leur patrie, et surtout leur sol, est d’une force absolument viscérale.
« Je suis russe, russe, russe » disait Tchaïkowsky, une phrase que Rostropovitch aurait pu s’approprier : la « russicité » ne se vit pas à moitié, et Rostropovitch en fut l’illustration, tant comme homme que comme musicien, l’illustration la plus magnifique.      [P.-E. L.]

24/04/07

Diana Damrau sur les traces de Bartoli…

Mozart, Salieri, Sacchini, Righini : si la fortune sourit aux audacieux, Diana Damrau devrait être comblée ! Avec une telle affiche, son premier disque solo chez VIRGIN devrait d’abord attirer un public curieux, sinon érudit, mais gageons que le bouche à oreille fera le reste. En décembre 2004, la soprano colorature chantait le rôle-titre de l’Europa riconosciuta pour la réouverture de la Scala sous la direction de Riccardo Muti et il y a fort à parier que l’album Salieri de Bartoli lui a préparé le terrain. En revanche, seuls les historiens de la musique et les chercheurs connaissent aujourd’hui Antonio Sacchini (1730-1786), dont le nom reste essentiellement attaché au succès posthume de son Œdipe à Colone ainsi qu’à Marie-Antoinette qui le protégea lors de la querelle des gluckistes et piccinistes, et Vincenzo Righini (1756-1812), ténor, éminent pédagogue et compositeur d’opéras seria et buffa auxquels seul un label courageux comme BONGIOVANNI s’est intéressé (Il convitato di pietra – sa version de Don Giovanni –, Alcide al Bivio). Jérémie Rhorer, autre étoile montante, accompagne la cantatrice à la tête de son ensemble Le Cercle de l’Harmonie. Parution prévue en janvier 2008. C’est également VIRGIN qui accueillera le premier récital de celle que Le Figaro a surnommé la « soprano qui danse », Danielle de Niese. Moins aventureuse, la Cléopâtre de la décennie (voir le spectacle de Glyndebourne immortalisé par OPUS ARTE) se cantonnera à Haendel sous la conduite de William Christie. Puisse le studio préserver le glamour et l’aura irrésistible de la belle !  [BS]

Première Mélisande pour Natalie Dessay

Ses détracteurs - et même ses partisans – s’interrogent encore sur sa prochaine Traviata, prévue sauf contrordre à Santa Fe en 2009. Tandis que le "débat" () fait rage, Natalie Dessay envisage une autre prise de rôle qui devrait elle aussi déchaîner les passions : Mélisande. Roland Geyer, directeur général du Théâtre de Vienne, vient en effet d’annoncer qu’elle sera l’héroïne de l’opéra de Claude Debussy dans une nouvelle production de Laurent Pelly avec Stéphane Degout en Pelléas et Bertrand de Billy à la baguette. La première est prévue le 13 janvier 2009. D’ici là, l'encre peut couler. [CR].


Mark Padmore chez HARMONIA Mundi

Il fut le plus tendre des Jonathan (Saul -  notre critique), le voici qui nous revient dans un programme entièrement dévolu à Haendel pour son premier disque solo chez Harmonia Mundi. Mark Padmore met en lumière les pages splendides, mais éparses, que le compositeur a tout au long de sa carrière destinées à sa tessiture, dans l’opéra et la musique de scène (Alceste, Tamerlano, Rodelinda), mais surtout l’oratorio (les rares Samson, Jephté, Esther plutôt que le Messie…) et la pastorale (L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato), des genres affranchis de la tyrannie des soprani et contralti qui régnaient sans partage sur le monde lyrique. Curieusement, trois siècles plus tard et alors que la Grande-Bretagne, pour ne citer qu’elle, nous a donné des artistes magnifiques tels qu’Anthony Rolfe-Johnson, Paul Agnew ou John Mark Ainsley dont la musicalité s’épanouit dans ce répertoire, aucune anthologie d’airs de ténor digne de ce nom n’est disponible. Cet enregistrement risque bien de faire référence, d’autant que Mark Padmore y est entouré de l’excellent English Concert d’Andrew  Manze. Il est également rejoint par la soprano Lucy Crow dans l’extatique duo de L’Allegro qui donne son titre à l’album, « As steals the morn ». Sortie en mai. [BS]

15/04/07

Brandon Jovanovich, un ténor qui vaut de l’or

Brandon Jovanovich vient de remporter à 36 ans le prix Richard Tucker. Cette récompense est décernée chaque année à un chanteur américain dont la carrière est sur le point de prendre une dimension internationale majeure. Parmi les heureux lauréats des éditions précédentes, Renée Fleming, Deborah Voigt, David Daniels, Stephanie Blythe ou encore Joyce DiDonato apportent la preuve que le jury de la Richard Tucker Foundation a souvent le nez creux. Né dans le Montana, diplômé de la Northern Arizona University et de la Manhattan School of Music, Brandon Jovanovich a déjà fait parler de lui à La Scala, au San Carlo de Naples, au New York City Opera... Son allure de jeune premier, son timbre viril, quoique parfois un peu métallique, sa vaillance ne laissent pas indifférents. En France, plus que son Mario Cavarodossi un peu raide, appelé à la rescousse de Viktor Afanasenko en 2005 à Bordeaux, on a apprécié un an plus tard son Werther lillois. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, outre la gloire promise par de tels lauriers, le ténor américain empoche la coquette somme de 30 000$. [CR]

23/03/07

Bartoli joue avec les nerfs de ses fans

La diva capricieuse serait une image d’Epinal, colportée par la rumeur depuis des siècles et n’ayant aucun fondement historique. En effet, pourquoi généraliser à partir d’une poignée d’artistes (les premières étant les Rival Queens de Haendel, Cuzzoni et Bordoni) qui ne représentent qu’elles-mêmes ? Il arrive toutefois qu’un individu colle parfaitement au cliché et le revivifie. Cecilia Bartoli pourrait bien l’incarner tant son attitude déroute et irrite. Si la Romaine se fait rare, sur scène comme en concert, ses inconditionnels répliqueront qu’elle économise son talent et que la rareté de ses apparitions en fait tout le prix. Si elle enregistre fort peu – un récital par an, des intégrales occasionnelles où le DVD live prend le pas sur le CD –, c’est parce qu’elle place la barre très haut… Soit, mais pourquoi ces promesses non tenues ? Il y a trois ou quatre ans, on nous annonçait que la virtuose voulait aborder le répertoire de Farinelli. Le succès de l’album de Vivica Genaux (Harmonia Mundi) lui a coupé l’herbe sous le pied et le disque a été reporté sine die, autant dire aux calendes grecques. Changement de cap radical après son album Salieri : Bartoli ne jure plus que par Monteverdi et le Seicento, assurant à qui veut l’entendre qu’elle va remonter aux origines de l’opéra. Nous salivions déjà à l’idée de la découvrir en Poppée, dans les lamenti de Cavalli ou le récitatif ardent de Belli, mais aussi dans des pages inédites que l’entourage savant de la star aurait certainement exhumées… Las ! Pour la saison 2007-8, les organisateurs de concerts annoncent un tout nouveau programme de «  belcanto italien » avec un orchestre de chambre issu de l’Opéra de Zurich. Alors, Farinelli, Monteverdi, des effets d’annonce ? Des opérations marketing pour susciter l’attente et entretenir le désir ? A moins que la diva ne soit indécise, capricieuse… Rien n’est pire que le silence. Bartoli a peut-être tout simplement la chance de vivre à un rythme moins effréné que la plupart de ses contemporains et de pouvoir prendre le temps de mûrir ses projets. Mais si elle prenait aussi le temps de communiquer ? 
[BS]

Fanny Ardant chez OPERA RARA

Capté lors d’un concert donné en septembre 2005 au Royal Opera House, l’ultime et lugubre opéra de Donizetti, Dom Sébastien, roi de Portugal, aligne un casting alléchant où se côtoient Giuseppe Filianoti dans le rôle-titre – qui l’a vu débuter il y a près de dix ans –, Vesselina Kasarova, Alastair Miles et Simon Keenlyside placés sous la conduite de Mark Elder. Autre nouveauté lyrique : Judith Howard, Jennifer Larmore et Manuela Custer se partagent des extraits de la Maria Stuarda de Mercadante dirigée par Antonello Allemandi. Le label poursuit également son exploration de la musique de salon du dix-neuvième siècle en consacrant le dixième volume de sa collection justement nommée « Il Salotto » à Pauline Viardot, célèbre cantatrice mais également compositrice, fille du ténor Manuel Garcia et sœur de la Malibran. Le 27 février 2006, le Wigmore Hall de Londres réunissait Frederica Von Stade – qui, à 60 ans, faisait ses débuts dans la prestigieuse salle de concert londonienne –, Anne-Caterina Antonacci et Vladimir Chernov pour une soirée musicale dédiée à cette femme libérée qui formait un ménage à trois avec l’écrivain Ivan Tourgueniev. Le récital fait la part belle aux mélodies de la chanteuse (dont plusieurs inédits) mais s’interrompt aussi pour laisser Fanny Ardant évoquer cette vie haute en couleurs… et séduire la critique britannique : « The French actress Fanny Ardant delivered a linking script by Georgia Smith with a grandly enthused, erratic and infectious flair » (The Independent). Parutions prévues en avril. 
[BS]

Nathan Berg et Gerald Finley rempilent

Le baryton basse Nathan Berg – découvert avec les Arts Florissants (Messie, Indes Galantes…) – évolue également dans l’univers de la mélodie. Après un album assez pointu consacré au compositeur postromantique Othmar Schoeck (1886-1957), auteur de quelques 300 lieder, le chanteur canadien retrouvait en janvier dernier Julius Drake pour un programme Schubert (Eerster Verlust, Der Strom, Der Jüngling an der Quelle…), Schumann (Sieben lieder) et Strauss (Morgen !, Ach weh mir unglückhaften Mann) interprété pour les micros d’ATMA. Le pianiste, fort demandé ces derniers mois, vient également d’accompagner un autre baryton canadien, l’excellent Gerald Finley, dans un second volume de songs de Charles Ives mis en boîte par Hyperion et qui devrait sortir à l’automne 2007 ou au printemps 2008.
[BS]

Mon cœur s’ouvre à ta voix

OVNI : objet vocal non identifié. C’est ainsi qu’apparut l’organe surnaturel de Klaus Nomi, robot androgyne surgi sur la scène d’un cabaret branché de l’East Village à l’aube des années 80. The Nomi Song (DVD BQHL EDITIONS) tente de retracer le parcours fulgurant de cet artiste inclassable fauché par le sida. Juxtaposant des interviews d’artistes, de managers qui l’ont fréquenté et des images souvent inédites, fugaces, singulières, le film d’Andrew Horn tente aussi de cerner sa personnalité, mais loin de lever un coin du voile sur le mystère qui l’entoure, il l’épaissit et attise notre curiosité. Klaus Nomi, de son vrai nom Klaus Sperber (1944-1983), fut d’abord un personnage culte de l’underground new yorkais réunissant autour de lui Keith Harring, Jean-Michel Basquiat ou Joey Arias, avant d’attirer l’attention de David Bowie qui l’engagea et de conquérir la planète du show bizz. Avec son look impossible (couronné par cette coiffure triangulaire qui devint rapidement son logo) et son regard fou, l’extraterrestre impose en quelques secondes le silence à l’auditoire le plus improbable, ces nightclubbers arrogants et frimeurs, bluffés par cette voix d’une beauté irréelle qui s’élève sur le « Réponds à ma tendresse » de Saint-Saëns. N’est-ce pas en clin d’oeil à ce coup de génie que Pascal Bertin reprit en 1995 l’air de Dalila sur l’album parodique « Les Trois Contre-Ténors » (Harmonia Mundi) ? En 1980, le baroque n’était pas encore médiatisé et le grand public ignorait jusqu’à l’existence même des contre-ténors. Nomi lui révéla l’un et l’autre en s’appropriant la « Cold Song » du King Arthur et la mort de Didon, qui prennent aujourd’hui une tout autre résonance lorsqu’on apprend qu’il était déjà malade et se bourrait de médicaments pour tenir debout en concert… Navigant entre classique, pop expérimentale et New Wave, Klaus Nomi a marqué des générations de mélomanes et d’artistes, comme la compositrice Olga Neuwirth qui lui rend hommage sur son site (http://www.olganeuwirth.com/). [BS]

18/03/07

L'Opéra-Bastille s'offre un brin de toilette

On doit à l’architecte Carlos Ott le premier Opéra biodégradable au monde. Côté extérieur, des filets sont là pour prévenir la chute des pierres de façade, les dalles de protection d’étanchéité s’effondrent sous le poids des touristes américains, des stalactites égayent les balcons … Côté intérieur, on admirera d’autres filets disposés sous les escaliers et destinés à éviter que les nez-de-marche ne tombent sur les spectateurs, les néons du plafond de la salle au clignotement imprévisible, les ascenseurs schizophrènes qui ne s’arrêtent qu’aux étages qu’on ne demande pas…

Le passage souterrain qui reliait la salle au parking est en revanche fermé, officiellement pour des raisons de sécurité, mais les vieux habitués se souviennent encore des peintures cloquées par les fuites et de son acre odeur de champignonnière abandonnée.

Mais l’autre grande spécificité de la salle, ce sont ses toilettes « hommes ». On savait Pierre Bergé, premier patron des lieux, grand admirateur du cinéaste Rainer Werner Fassbinder, peintre délicat des amours masculines : c’est peut-être pourquoi les installations de l’Opéra-Bastille ressemblent tant aux pissotières des gares de banlieue berlinoises ? Les toilettes de la salle sont en effet des lieux ludiques et festifs. Seul devant l’engin, on rêvassera en tentant de reconnaître une forme familière dans les tâches jaunâtres incrustées dans le sol. En compagnie, on pourra facilement prendre contact avec son voisin au prétexte de chaussures ou d’un pantalon copieusement aspergés. La curiosité physiologique est en revanche plus difficile depuis l’installation de séparateurs entre les stalles, en violation flagrante du parti architectural initial.

Peu fonctionnel, mais terriblement romantique et même … patriotique ! Ces sanitaires contribuent grandement à l’image de la France auprès des touristes étrangers, illustrant parfaitement cette réflexion de Mark Twain à propos de la mort de Marat : « Pour une fois qu’un français prenait un bain ».

Hélas, les meilleures choses ont une fin et des travaux viennent d’être discrètement entrepris, conduisant au remplacement progressif des stalles extraverties et communautaristes par des « bulles » sans âme emprisonnant les liquides tel un vieux bourgeois usurier. La modernité est à ce prix mais nous regretterons quant à nous ces antiques témoignages de notre folle jeunesse.

Lorin Maazel plus fort que Polnareff

La prochaine saison du Metropolitan Opera verra le retour de Lorin Maazel dans la fosse de l’institution new-yorkaise. Un come-back qui est un véritable événément puisque le chef américain n’avait pas dirigé en ces lieux depuis 45 ans !

Maazel conduira l’orchestre du Met pour 5 représentations de « La Walkyrie » à partir du 7 janvier 2008 ce qui constitue un autre événement en soi tant les ouvrages wagnériens, et en particulier le Ring, sont « trustés » par le chef « maison », James Levine.

La distribution réunira Lisa Gasteen en Brünnhilde, Adrianne Pieczonka et Deborah Voigt alterneront en Sieglinde, de même que Stephanie Blythe et Michelle DeYoung en Fricka, Clifton Forbis et Simon O’Neill en Siegmund, tandis que James Morris reprendra une fois encore son Wotan aux côtés du Hunding de Mikhail Petrenko.

Lorin Maazel n’était pas revenu au Met depuis la saison 1962-63 durant laquelle il avait dirigé « Don Giovanni » et « La Chevalier à la Rose ». Récemment sa carrière s’était surtout orientée vers la musique symphonique : à 75 ans passés, il est temps qu’il rejoigne la fosse… d’orchestre.

Amazon.com parie sur le classique

Le géant américain de la vente en ligne de produits culturels vient d’annoncer le lancement prochain d’un espace réservé à la musique classique « à petit prix ». Amazon.com constate en effet une demande croissante pour la musique classique de la part d’acheteurs novices à la recherche de bons enregistrements à des prix abordables. Le site offre déjà plus de 100.000 titres classiques : la « Classical Music Blowout Store  » se contentera dans un premier temps de 2.000 enregistrements sélectionnés sur ces critères de qualité et de prix. La démarche d’Amazon consiste donc essentiellement de simplifier la recherche pour les clients du site en faisant un premier tri sur son catalogue général.

On retrouvera ainsi en page d’accueil l’intégrale des œuvres de Bach produit par le label indépendant Abeille Musique. L’éditeur avait fait l’objet d’une campagne indigne de déstabilisation de la part de ses concurrents et de professionnels de la Musique (tel Stéphane Lissner) ) l’occasion du lancement de son intégrale « Mozart » : il semble pourtant qu’il est visé juste et que le renouveau du classique passe par une démocratisation de l’accès à la musique enregistrée.

Une soprano complètement piquée

A défaut d’être connue pour ses talents lyriques, le soprano Alison Trainer vient d’acquérir une notoriété inespérée après un séjour passé aux « Hilton Suites » de Phoenix en Arizona.

La chanteuse y a en effet reçu 150 morsures de punaises durant la nuit : sur les bras, le cou, la poitrine et la figure.

On pourrait croire à une de ces légendes urbaines et pourtant c’est bien vrai : l’artiste poursuit d’ailleurs la chaîne hôtelière pour 6 millions de dollars, arguant du fait que l’événement l’a traumatisé, qu’elle n’ose plus se glisser dans un lit de peur d’une attaque de punaises enragées, qu’elle perd du poids et qu’elle ne supporte plus sa propre vue ! Son avocat, peu galant, déclare en effet qu’elle ressemble à un morceau de bois piqué par les termites.

Surfant sur cette notoriété soudaine, la chanteuse a confirmé qu’elle respecterait néanmoins ses prochains engagements.

Moralité, rien de nouveau dans le show-business : pour être célèbre rapidement, mieux vaut « coucher ».


Un bis peu spontané

La Scala de Milan a-t-elle besoin de retrouver de la respectabilité après « l’affaire Alagna » ? C’est ce qu’on peut se demander après toute la publicité faite autour du « bis » offert par le jeune ténor à la première de la « Fille du Régiment », celui-ci rompant avec une tradition d’interdiction vieille de 74 ans.

Rappel des faits : initialement, la Scala de Milan devait accueillir le spectacle imaginé par Laurent Pelly pour Natalie Dessay et Juan Diego Florez. Le théâtre annonçait même le retour à la scène de Marilyn Horne dans le rôle (parlé) de la Marquise de Krakenthorp. Mais la Scala renonçait rapidement à cette nouvelle production pour une reprise de la mise en scène « maison » vieille de 50 ans, ce qui entraînait la défection de Natalie Dessay. Le nom de sa remplaçante ne fut connu que quelques semaines avant la première. Quelques jours avant le début de la série, la billetterie n’affichait toujours pas complet : un événement assez rare à la Scala pour ce type d’ouvrage.

Entre temps, l’institution milanaise se faisait à nouveau remarquer en annonçant qu’elle n’afficherait pas le « Candide » de Robert Carsen, spectacle pourtant coproduit avec le Châtelet, pour des raisons « artistiques » non précisées (on se rappelle que l’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi y apparaît en maillot de bain aux couleurs du drapeau italien). Le spectacle sera finalement donné, mais dans une mise en scène « adaptée pour Milan ».

Est-ce un hasard mais quelques jours avant la première de « La Fille du régiment », le beau Juan Diego était complaisamment interrogé par la presse italienne : a-il peur du public milanais ? – non, ce sont des gens exigeants mais au goût sûr ! – bissera-t-il son air « aux neuf contre-ut » ? – c’est interdit par le théâtre mais si mon public le demande … Déclarations qui relancèrent l’intérêt pour cette reprise : en quelques heures, la billetterie affichait enfin complet.

Vint le jour fatidique de la première : Juan Diego chanta divinement, et en particulier le fameux « A mes amis quel jour de fête » tant attendu, balançant avec insolence ses 9 contre-ut réglementaires. Une performance qui reçue une juste ovation : ce n’est pas tous les jours qu’on entend 18 contre-ut à la suite ; mais le public milanais n’est plus aussi expansif que par le passé, comme en témoigne par exemple son accueil assez réservé aux adieux de Mariella Devia au rôle de Lucia (lien vers la critique de juillet dernier). Après une minute, seules quelques dizaines d’enthousiastes criaient encore ; au bout de 2 minutes et 20 secondes, Juan Diego faisait signe au chef qui, sans se faire plus prier, lançait son orchestre pour un bis rien moins que spontané.

La « tradition » de 74 années d’interdiction était brisée : elle avait pourtant résisté des interprètes de légende tels Callas, Corelli, Di Stefano, Del Monaco, Sutherland, Freni, Pavarotti ou encore Kraus et Bergonzi ; elle avait surtout résisté à des ovations largement plus importantes dont certaines nous ont été conservées par des « live » épiques. Tant mieux pour Juan Diego, mais tant pis pour la légende : ce « bis » calculé et « téléphoné » n’ajoutera pas à la gloire de ce théâtre.

Le public des loggione n’en est pourtant pas revenu à de meilleurs dispositions : à la fin du spectacle, des tracs multicolores étaient lancés des galeries, protestant contre « l’adaptation pour la Scala » du spectacle du Châtelet et demandant le départ de Stéphane Lissner : « ce qui est bon pour Paris et Londres, pourquoi le refuse-t-on au public milanais ? ». Le spectacle était alors dans la salle et il fallait voir les huissiers de la Scala tenter de récupérer un maximum de prospectus entre les chaises ou les arrachant des mains des spectateurs : monsieur Lissner serait-il allergique à une saine manifestation de démocratie directe ?



Rita Gorr
Brève du 08/05/07

Sonia Prina
Brève du 05/05/07

Mstislav Rostropovitch
Brève du 27/04/07

Brandon Jovanovich
Brève du 15/04/07


Cecilia Bartoli...
Brève du 23/03/07

Carlos Ott - Architecte,
Opéra Bastille
Brève du 18/03/07


Alison Trainer
Brève du 18/03/07



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